Tomb Raider

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Comme le cinéma, le jeu vidéo se laisse gagner par la mode du reboot. Après Devil May Cry ou Castlevania, c’est au tour de Tomb Raider de tout remettre à plat pour prendre un nouveau départ, que l’on attendait cependant avec méfiance. La faute à quelques déclarations des développeurs du studio californien Crystal Dynamics que, selon l’humeur, on jugera un peu maladroites ou scandaleusement crétines. En gros : Lara Croft allait souffrir, le but étant que le joueur – forcément mâle – ressente le besoin de protéger cette pauvre petite chose féminine à laquelle il était évidemment inimaginable qu’il puisse s’identifier, le tout ayant suscité un certain nombre de dérapages grassement machistes (pour rester poli) sur Internet comme dans la presse spécialisée.

Qu’arrive-t-il donc à Lara (et du même coup à nous, on y tient) dans ce Tomb Raider repensé ? Beaucoup de choses désagréables, effectivement, et pas seulement à cause des mises à mort complaisantes sur lesquelles débouche chacun de nos échecs. Mais le jeu ne s’arrête pas à cette vision de son héroïne comme figure suppliciée car ses exploits sont toujours au rendez-vous. C’est d’ailleurs paradoxalement aussi l’une de ses limites : le scénario annoncé de la jeune femme qui murit dans l’adversité tourne court : dès les premières heures de jeu, celle-ci flingue à tout va entre une course dans la jungle et un combat contre les loups. De même, si l’allure générale de Lara Croft se révèle plus « humaine » qu’à ses débuts, sa représentation oscille toujours entre la guerrière féministe et la pin-up offerte.

Ce Tomb Raider nouveau semble, d’une manière générale, ne pas savoir (ou vouloir) choisir. Entre l’aventure collective sous influence Lost (Lara et ses camarades explorateur ne peuvent quitter l’île sur laquelle leur navire a fait naufrage), la dérive souterraine en solo, le shooter à ciel ouvert type Uncharted (qui, lui-même, modernisait la formule Tomb Raider), les montagnes russes Resident Evil 4, la simulation de scoutisme hardcore (chasse, cueillette…), le cinéma interactif, etc. Mais cette inconstance, façon troubles de l’attention ludique, est ici une qualité car elle s’accompagne d’un sens du rythme et du spectacle inouï. Telle Lara chutant d’un bâtiment qui s’effondre, le jeu rebondit toujours pour repartir de l’avant sans jamais nous abandonner en route. En 1996, Tomb Raider était une révolution, un truc fou, jamais vu. Aujourd’hui, ce serait plutôt une synthèse inspirée, et entraînante, et généreuse, de ce que le jeu vidéo mainstream contemporain a de meilleur. C’est déjà beaucoup.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°903, 20 mars 2013)

Tomb Raider (Crystal Dynamics / Square Enix), sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One, PC et Mac

Erwan Higuinen

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