Ghost Trick : Détective fantôme

Peu après le début de l’aventure, la vérité s’impose au joueur : il est mort. Ou, plus précisément, il n’a plus de corps de substitution dans le monde de Ghost Trick, au sein duquel il est pourtant invité à intervenir pour éviter le pire. En commençant pas sauver cette jeune rouquine qui a péri peu de temps après lui. Car, bien qu’étant réduit au rang de pur esprit, notre héros conserve la possibilité d’interagir avec un certain nombre d’objets. Et de provoquer de savantes réactions en chaîne pour parvenir à ses fins.

Père de l’indispensable saga judiciaire Phoenix Wright, Shu Takumi a fait ses preuves dans le registre du jeu d’enquête, s’appropriant l’héritage goûteux des jeux d’aventure point & click occidentaux pour les assaisonner malicieusement à la sauce manga. Par bien des aspects (son style graphique, sa bande son, ses raisonnements tortueux), Ghost Trick prend la suite de Phoenix Wright mais s’en distingue d’emblée par son parti pris de nous priver de réel alter ego. Ce faisant, il se contente au fond de souligner la position réelle du joueur qui, quel que soit le titre auquel il s’adonne, demeure inévitablement un esprit tentant de triompher d’un monde auquel il demeure extérieur.

Celui de Ghost Trick est particulièrement charmant. Ses décors en 2D sont le cadre d’animations d’une finesse inouïe, qui flattent l’œil autant qu’elles incitent le cerveau à travailler. Comment amènera-t-on, sans agir directement, cette fillette à se cacher sous le sofa avant qu’un tueur n’investisse l’appartement – car, c’est l’avantage d’être mort, on se voit gratifier ici de la possibilité de remonter le temps pour rejouer les scènes, façon Un jour sans fin, jusqu’à aboutir à une fin heureuse. Prendra-t-on le contrôle d’un parapluie, d’un placard, d’une télécommande ? Ne risque-t-on pas de perdre de précieuses secondes en dialoguant avec l’esprit enthousiaste d’un loulou de Poméranie qui, dans la première version de cette réalité troublée, a franchement mal fini ?

Aussi subtil que facétieux et plus profond qu’on ne pourrait le supposer à première vue, Ghost Trick est de ces jeux qui se révèlent vite obsédant et dont les souvenirs nous réveillent la nuit. Bien que conçu pour une console dont, la Nintendo 3DS étant sur le point d’arriver, la vie commerciale touche sans doute à sa fin, il se révèle aussi l’un des titres majeurs de ce début d’année 2011.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°791, 26 janvier 2011)

Ghost Trick : Détective fantôme (Capcom), sur DS et iPhone

Erwan Higuinen

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