Ils sont obsédés par l’animation, le manga ou la science-fiction. Ils collectionnent tout ce qui a trait à leur chère passion. Et, dès que l’occasion se présente, ils paradent vêtus des costumes de leurs personnages de prédilection. En deux moyens métrages vidéo, le studio Gainax proposait en 1991 une plongée amusée au cœur du phénomène otaku via l’histoire du jeune Kubo qui, suite aux retrouvailles avec un ancien camarade de classe et à une déception sentimentale, jure d’en devenir le représentant ultime : l’« otaking ».
Débutant en 1982, l’intrigue s’étale sur toute la décennie, déborde sur la suivante et s’offre un épilogue en 2035. Mais Otaku no video n’est pas qu’une œuvre d’animation astucieuse et regorgeant de références aux fleurons du genre (Albator, Nausicaä, Gundam, Cobra…). Son récit est en effet entrecoupé de (faux) entretiens peu flatteurs, en prises de vue réelles, avec divers spécimens d’otakus. L’un amasse les vidéos qu’il ne prend pas le temps de regarder. Un autre nie s’être jamais adonné au cosplay. Un troisième dévoile sa fixation sur l’héroïne d’un jeu vidéo érotique. Ces séquences improbables offrent un contrepoint à la fiction animée, dans laquelle c’est avec enthousiasme que l’on proclame son intention d’abandonner toute vie sociale. L’otakisme y apparaît certes comme un mode de vie déséquilibré, mais qui tourne au happening collectif quasi permanent.
Explorant avec ironie mais de l’intérieur (plutôt qu’en la prenant de haut) cette ultra-moderne tendance à la monomanie, Otaku no video prend scénaristiquement la forme d’une success story heurtée. Ses héros se lancent dans la ventes de figurines de la marque Grand Prix (ou GP) puis dans l’animation en créant Giant X. Toute ressemblance avec l’histoire du studio Gainax, dont les fondateurs avaient d’abord ouvert un magasin de produits dérivés du nom de General Products (GP, donc), n’est pas nécessairement fortuite.
(Paru dans Manga Impact, Editions Phaidon, 2010)