Qui est Cobra ? Lorsque débute la série adaptée du manga de Buichi Terasawa, le héros lui-même ne le sait pas. Ou, plus exactement, ne s’en souvient pas : retiré des affaires intergalactiques, le flamboyant justicier du XXIVe siècle s’est mué en un paisible employé de bureau. Sa mémoire effacée, son visage transformé par la chirurgie esthétique, il a perdu tout lien avec son passé. Jusqu’au jour où, lors d’une visite chez des vendeurs de rêves à la demande, dans une séquence directement inspirée de la nouvelle de Philip K. Dick dont Paul Verhoeven tirera plus tard le film Total Recall, ses souvenirs remontent soudain à la surface.
Un cigare au bec, le vigoureux blondinet en combinaison rouge se lance alors, flanqué d’un robot féminin, dans de nouvelles aventures explosives l’opposant à la terrible guilde des pirates de l’espace. Pourvu, au bout de son avant-bras gauche, d’une arme émettant le très puissant rayon delta (ou psychogun), Cobra figure une manière d’homme-machine dont la nature hybride et l’identité troublée semblent contaminer la forme même de la série. Avec son animation particulièrement soignée pour l’époque et son usage subtil de musiques variées, celle-ci alterne en effet les phases de comédie décontractée à l’ambiance un rien jazzy et les scènes d’actions aussi fulgurantes que graphiquement audacieuses avec leurs mouvements décomposés, leurs insertions d’images fixes stylisées et les trajectoires quasi abstraites des rayons lumineux.
Ancêtre vraisemblable de Cowboy Bebop, Cobra est aussi une œuvre adulte et non dénuée de zones d’ombre, dans laquelle on meurt beaucoup et qui ne fait pas l’économie d’un point de vue sur sa société futuriste. Fidèle en cela aux canons de la meilleure science-fiction, cette dernière se révèle un reflet souvent inquiétant de la nôtre, ce qui ne contrarie cependant pas l’élan d’une série portée par le goût de l’épopée.
(Paru dans Manga Impact, Editions Phaidon, 2010)
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