Dragon Quest Monsters : Joker
  Final Fantasy Crystal Chronicles : Ring of Fates

DQMonsters

On s’agite dans le monde du jeu de rôle (ou RPG). Parmi les éléments qui font débat : la persistance de la dimension « mathématique » du gameplay et, surtout, de son glorieux affichage. Points de vie, de magie, d’expérience. Points d’attaque accrus en changeant d’épée. Points de dégats causés à l’adversaire. Car ces éléments, primordiaux lorsque le jeu de rôle type Donjons & Dragons se pratiquait uniquement en groupes, avec lancers de dés et calculs faits à la main, sont, un quart de siècle après son apparition, demeurés au premier plan du RPG informatique. Des voix se font ainsi entendre, essentiellement côté occidental, pour souhaiter que le genre offre davantage de jouer un rôle que de gérer une équipe, ce dont le magazine britannique Edge se faisait l’écho il y a quelques mois. Chacun à sa manière, des jeux comme Oblivion ou Mass Effect témoignent de ces intentions. Qui paraîtraient sans doute bien étranges aux créateur des deux piliers de la collection printanière de Square Enix.

Episodes dérivés (et, en conséquence, sur certains plans non orthodoxes) des deux grandes séries de l’éditeur roi du RPG nippon, Dragon Quest Monsters : Joker (que nous rebaptiserons DQMJ) et Final Fantasy Crystal Chronicles : Ring of Fates (alias FFCCROF…) reposent en effet largement sur ce fétichisme statisticien, cette idée d’un monde chiffré, décryptable, et où même la magie – car nous évoluons ici au cœur de récits féeriques  – serait presque maîtrisable scientifiquement.

FFCC

Le premier dissimule à peine son modèle : DQMJ n’est, à peu de choses près, qu’un Pokémon reproduit en 3D et colonisé par le fabuleux bestiaire de Dragon Quest VIII, le joueur étant incité à capturer des monstres, puis à les marier (ou plutôt les « synthétiser ») et les armer pour se composer une équipe de lutteurs toujours plus puissante, chiffres bien sûr à l’appui. Relevant du sous-genre a priori moins aride (car ludiquement plus direct) de l’action-RPG, FFCCROF semble au départ moins porté sur l’obsession statistique que sur la découverte joyeuse de mondes somptueusement dessinés – les deux jeux font partie des plus impressionnants techniquement que compte à ce jour la Nintendo DS.

Mais les combats remportés contre des vagues de créatures hostiles sont bientôt suivis d’indications quant à la progression de nos héros : « Niveau 15 » ! « Niveau 20 » ! Et cette avancée ininterrompue, cet autre fil narratif (l’histoire de ce que deviennent nos héros plutôt que des événements qui s’imposent à eux), cette scansion triomphale forment la part la plus obsédante du jeu. On ne jurerait pas que cela contribue vraiment à nous impliquer au plus profond de l’aventure vécue par les personnages. Mais, même pavée de chiffres, c’est une route qui mène toujours un peu en direction du merveilleux.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°645, 8 avril 2008)

Dragon Quest Monsters : Joker (Square Enix), sur DS

Final Fantasy Crystal Chronicles : Ring of Fates (Square Enix), sur DS

Erwan Higuinen

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