Nervous Brickdown

NervousBrickdown

Nervous Brickdown semble nous arriver d’un autre temps. Non que le jeu des Parisiens d’Arkedo soit une vieille chose démodée, bien au contraire – ce pourrait même bien être le jeu le plus « moderne » du moment. Mais, dans l’histoire de sa conception comme dans ses principes de base, il s’affiche radicalement à contre-courant des tendances actuelles.

D’abord, en ces temps où les génériques des jeux s’étirent jusqu’à concurrencer ceux des blockbusters hollywoodiens, Nervous Brickdown n’a pas besoin de bien longtemps pour faire défiler les noms de ceux qui l’ont créé, le studio Arkedo étant constitué en tout et pour tout de trois personnes. Renouant avec le mythe eighties du jeu conçu entre copains, bedroom coders passionnés ou squatteurs de garage familial, le trio pousse le vice jusqu’à s’attaquer à un genre emblématique des débuts du jeu vidéo : le casse-brique. Un genre qui, depuis la poussée de fièvre Arkanoid circa 1986, était quasiment porté disparu. Et dont la naissance se confond à peu près avec celle du medium car, si ses règles ont été fixées chez Atari en 1976 avec Breakout, celui-ci n’était jamais qu’un enfant naturel de ce bon vieux Pong.

Nous revoilà donc aux commandes d’une raquette (à diriger au stylet) positionnée en bas de l’écran. Notre mission n’a pas changée : couper la trajectoire de la balle qui descend inexorablement vers nous et la propulser vers les « briques » occupant l’espace à libérer. Ne jamais la laisser échapper, toujours poursuivre l’échange. Et si on tenait là la plus juste description de ce en quoi consiste, au fond, la pratique du jeu vidéo – de tous les jeux vidéo ? Renvoyer la balle à la machine, inlassablement. Mais aussi, à travers elle, aux développeurs car, si le casse-brique est le jeu vidéo réduit à sa plus simple expression, c’est une page blanche sur laquelle ceux de Nervous Brickdown s’en sont donné à cœur joie.

Au fil des niveaux, la débauche de styles graphiques est un régal. Mais, surtout, le principe même du casse-brique est constamment revu, tordu, réinventé. Le joueur doit ainsi, selon les cas, dessiner lui–même la raquette ou ajuster sa couleur à celle de la bille, souffler sur l’écran, lutter contre la gravité… Ou diriger une seconde raquette et, donc, se renvoyer la balle à lui-même – une expérience quasi métaphysique. Roi du contre-pied sous ses abords classiques, Nervous Brickdown enchante par ces fructueux bouleversements de la dynamique ludique, effets d’un game-design particulièrement malin. Quoi de neuf dans le jeu vidéo en 2007 ? Le casse-brique, assurément.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°619, 9 octobre 2007)

Nervous Brickdown (Arkedo), sur DS

Erwan Higuinen

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