Jeu vidéo : Où sont les femmes ?

Moebius

Malgré la diversité croissante des expériences qu’il propose et du public qu’il touche, le jeu vidéo reste, sur le plan professionnel, un milieu très majoritairement masculin au sein duquel il n’est toujours pas évident pour une femme de faire carrière. Etat des lieux en compagnie de plusieurs figures féminines de l’industrie.

Il paraît que la moitié (ou presque) des joueurs sont en réalité des joueuses. Si les chiffres varient selon les pays et les critères (temps de jeu, genres, etc.) que l’on prend en compte, l’évolution générale, elle, ne souffre aucune contestation : les filles sont de plus en plus nombreuses à se laisser gagner par la passion du jeu vidéo. Et, en dépit des clichés, pas seulement grâce aux Sims, à La Maison du Style ou à Léa Passion Vétérinaire. Car, oui messieurs, c’est bien un être de sexe féminin qui vient de vous humilier en ligne sur Tekken Tag Tournament 2. Ou de vous sauver la mise au détour d’un couloir infesté de zombies de Left 4 Dead. Du côté des développeurs, ce n’est pourtant pas la même chanson. Historiquement très masculins, studios et maisons d’édition tardent à se féminiser. Dans une étude publiée à l’automne 2005, l’IGDA (International Game Developers Association) évaluait à 11,5 % seulement la part de femmes dans les sociétés de développement des pays anglophones. Et si elles représentaient 30 % des scénaristes de jeux, la proportion tombait à 5 % chez les programmeurs. Pire : la tendance n’est même pas partout à une féminisation de l’industrie puisque, au Royaume-Uni, le pourcentage de femmes parmi les salariés du secteur a même diminué entre 2006 et 2009, passant de 12 à 6 % selon un rapport de l’organisme Creative Skillset. L’égalité n’est pas non plus au programme côté salaires : en 2005, les hommes gagnaient d’après l’IGDA 9 000 $ de plus par an que leurs homologues féminines.

« Réactions machistes »

Les habitudes (et les idées reçues) ont la vie dure et il reste aujourd’hui plus difficile pour une femme de se faire une place dans l’industrie du jeu vidéo, où l’immense majorité des postes de pouvoir restent occupés par des hommes. « Il est évident que j’ai vécu des situations spécifiquement liées à mon sexe, et que j’ai souvent dû convaincre plus, avoir plus d’arguments, batailler plus que certains de mes collègues masculins », reconnaît Jehanne Rousseau, fondatrice et patronne du studio Spiders (Of Orcs and Men, Mars War Logs). Mais être une femme, donc minoritaire, ne peut-il pas, à défaut d’autre chose, aider à sortir du rang ? « La simple idée qu’une femme puisse se distinguer plus facilement dans un milieu masculin, surtout si elle n’est pas trop vilaine, est l’archétype des réactions machistes que j’ai dû entendre de nombreuses fois, proteste la jeune femme. “Si tu y arrives c’est parce qu’ils veulent tous te baiser”, voire qu’ils l’ont fait. C’est assez abject. Je travaille dans l’industrie depuis presque quinze ans et je suis toujours sidérée qu’on puisse imaginer que quelqu’un arrive à diriger une équipe, à créer et publier des jeux tout ce temps simplement parce qu’il a la fesse ronde. En conclusion, oui, une femme dans ce milieu va se heurter (ou du moins se heurtait, je ne débute plus et le milieu a un peu évolué) à une forme de méfiance, de résistance et parfois même à des insultes. Elle va devoir faire ses preuves bien plus encore que ses collègues, et en entendra des vertes et des pas mûres, surtout si elle y arrive. A côté de ça, il y a heureusement quantité de gens qui s’en foutent complètement et qui n’attendent de vous que votre compétence. »

Jeu d’aventure ou shooter ?

La situation varie cependant selon l’entreprise et les jeux qui y sont développés. « Je n’ai jamais eu le sentiment que mon genre était un problème », avoue ainsi Jane Jensen, pilier de Sierra On-Line à la grande époque du point & click, à qui l’on doit entre autres la trilogie Gabriel Knight et dont la nouvelle œuvre, Moebius, est attendue cette année. « Mais j’ai toujours travaillé sur des jeux dans lesquels l’histoire tenait une place centrale, comme des jeux d’aventure et du casual, où il y a davantage de femmes designers. Il est possible que ce soit très différent si l’on travaille sur des shooters ou des jeux de stratégie. Et je pense que le fait que Sierra ait été co-fondée par une femme (Roberta Williams, qui a créé la société californienne en 1979) a contribué à en faire un endroit particulièrement accueillant pour les femmes. »

Avant de rejoindre thatgamecompany (qu’elle a quitté après avoir produit Journey) puis de fonder la société indépendante Funomena, Robin Hunicke avait elle aussi connu un environnement protégé du sexisme. « Mon expérience personnelle en tant que développeuse a débuté dans la division Sims d’Electronic Arts, où le ratio hommes-femmes est de presque 50/50, précise-t-elle. Mais les femmes talentueuses qui sont prêtes à travailler sur des jeux qui plaisent au marché hardcore comme Corrine Yu, qui a été programmeuse sur Halo 4, ou Kim Swift, qui a designé Portal, peuvent aussi avoir beaucoup de succès une fois qu’elles ont réussi à intégrer l’industrie. Dans l’ensemble, la barrière à l’entrée est plus basse aujourd’hui qu’à toute autre époque. Quand j’ai commencé, c’était presque du jamais vu pour une femme de créer sa propre société de jeu, ce qui faisait de Megan Gaiser (Her Interactive) ou Elaine Hodgson (Incredible Technologies) de réelles sources d’inspiration. »

Journey111

Frapper au portefeuille

Malgré les statistiques peu encourageantes, la situation tend en effet à s’améliorer sur certains plans, ne serait-ce qu’à travers la prise de conscience qu’il serait temps de faire vraiment quelque chose. « La reconnaissance du fait que le manque de femmes est un réel problème n’a jamais été aussi importante. En fait, ce problème commence seulement à être admis dans l’industrie américaine du jeu au sens large depuis deux ou trois ans », estime Belinda Van Sickle, ex d’Activision qui préside l’organisation Women in Games International. En plus de son activité sur les réseaux sociaux, celle-ci multiplie les actions : conférences à l’E3 ou à la Game Developers Conference, programmes d’éducation, aide à l’évolution de carrière, mise en relation des professionnelles de l’industrie, parfois en partenariat avec des organisations comme l’IGDA (International Game Developers Association) ou Girls in Tech. « Pendant longtemps, la question était celle de l’égalité, de la justice. A présent, l’industrie a réalisé que ce manque de diversité était aussi mauvais pour le chiffre d’affaires, souligne Belinda Van Sickle. Cela limite notre capacité à vendre nos biens à un public plus large. Je pense que la raison de cette reconnaissance est l’explosion du jeu casual, social et mobile. Si vous voulez qu’une industrie change, frappez-la au portefeuille ! »

Ce changement, Sheri Graner Ray était aux premières loges pour y assister – d’autant qu’elle fait partie de celles qui y ont beaucoup contribué. En 1992, cette ancienne d’Electronic Arts et d’Origin Systems (où elle œuvra sur la saga Ultima) désormais chez Schell Games avait donné à la GDC la toute première conférence sur le sujet (auquel elle devait consacrer un livre en 2003 : Gender Inclusive Game Design : Expanding the Market). « Si je ne me souviens pas exactement du sujet, je sais que je parlais de la manière de faire des jeux pour les filles. Je mettais l’accent sur le fait qu’il ne s’agit pas de le mettre dans une boîte rose ou de créer un jeu de shopping, explique-t-elle. Mais la question principale que l’on m’a posée était celle-ci : “Les filles ne jouent pas. Pourquoi devrions-nous faire des jeux pour elles ? “ C’est agréable de voir que, vingt ans plus tard, plus personne n’aurait même l’idée de suggérer que les filles ne jouent pas. » Lors d’une autre édition de la GDC, en 2005 Sheri Graner Ray a d’ailleurs eu l’occasion de mesurer le chemin parcouru. « J’étais dans le public d’une table ronde consacrée au pouvoir d’achat des femmes et à son importance pour l’industrie, se souvient-elle. Soudain, je me suis mise à pleurer. Mes amis m’ont demandé ce qui se passait et je leur ai répondu : “Ecoutez. Ecoutez cette table ronde. Je n’y suis pas. Je ne suis pas en train de parler. Cela veut dire que je ne suis plus la seule à faire du battage. Je ne suis pas seule à mener ce combat.” Ça a été un tournant pour moi. »

Les femmes comme « distractions »

Pendant ce temps, dans les entreprises, les progrès à accomplir restent importants. « Les femmes sont toujours traitées comme des citoyens de seconde zone par beaucoup de gens, regrette Belinda Van Sickle. Nous devons faire face au sexisme. Nous n’avons pas les mêmes possibilités en termes de formation, d’encadrement, de carrière. Dans le jeu vidéo, beaucoup d’hommes ne se sentent pas très à l’aise au milieu de femmes et ne savent pas comment se comporter. Les femmes sont vues comme une distraction et l’on attend d’elles qu’elles agissent d’une manière qui limitera ce “facteur distraction”. » Sans parler des conditions de travail elles-mêmes. « Dans cette industrie, les horaires sont toujours aussi extravagants. Je ne parle même pas d’avoir une famille mais, plus simplement, des vêtements propres, de la nourriture dans le frigo et une maison à peu près présentable. Ce sont des choses qui, souvent, ne dérangent pas les hommes autant que les femmes et il est parfois plus simple de choisir un secteur professionnel qui vous laisse la possibilité de faire votre lessive et les courses une fois par semaine… »

Pour les femmes, l’industrie vidéoludique ferait ainsi figure de caricature du monde professionnel dans son ensemble avec des inégalités marquées, des réflexes misogyne et une organisation du travail qui ne semble tenir compte que des conditions de vie et des besoins supposés du mâle célibataire. « C’est un problème qui touche les industries technologiques en général, précise Robin Hunicke. A la lutte plus globale des femmes et des minorités pour des droits, un salaire et des opportunités égales s’ajoute la question de la culture qui a cours dans ces sociétés. Heureusement, une attention de plus en plus grande est portée aux inégalités. Cela a commencé par des actions pour faire comprendre le concept d’environnement de travail hostile et a conduit à ce qu’à la fois des femmes et des hommes s’opposent au sexisme qui subsiste dans notre recrutement et notre matériel promotionnel et lors des événements médiatiques ou commerciaux. »

Faery

Baiser de la mort

Le recrutement, justement, est l’une des clés. Première règle selon Sheri Graner Ray : ne pas se contenter des candidatures spontanées et des annonces par les canaux habituels (salons, presse professionnelle…). « Si nous voulons diversifier notre réservoir de candidatures – et c’est la même chose pour la diversité raciale –, nous devons aller là où les candidats divers sont, juge-t-elle. Cela implique un effort en temps et en argent que la plupart des compagnies n’ont tout simplement pas la volonté de faire. Et il nous faut regarder les compétences et pas seulement les années d’expérience parce qu’essayer de trouver un représentant de n’importe quelle minorité ayant “cinq ans ou plus d’expérience” dans l’industrie revient à chercher une aiguille dans une meule de foin. »

Dernier aspect : l’entretien d’embauche lui-même. « La plupart du temps, on vous amène un candidat en vous demandant de voir s’il vous plaît et semble susceptible de s’intégrer à l’équipe, poursuit Sheri Graner Ray. C’est le baiser de la mort pour n’importe quel membre d’une minorité. Chacun a tendance à “aimer” les gens qui lui ressemblent, donc cela revient à vous demander de vérifier si les candidats sont juste comme vous. Or la compagnie n’a sans doute pas besoin d’un deuxième “vous”. Elle vous a déjà. Mais, surtout, notre industrie est toujours majoritairement jeune, blanche, mâle, hétéro et sans handicap. Cela signifie donc qu’à moins de recevoir d’autres instructions, les recruteurs vont rechercher d’autres jeunes hommes, hétéros, blancs et sans handicap. Et voilà comment nous nous retrouvons avec des équipes homogènes alors qu’il faudrait expliquer aux responsables qu’il doivent chercher à recruter en dehors de leur zone de confort. »

Et du côté des conceptrices de jeux potentielles ? « Si on veut un jour avoir un milieu vaguement paritaire, estime Jehanne Rousseau, il faut transmettre l’idée que ce milieu, malgré les difficultés qu’il présente, peut offrir aux femmes la même richesse créative qu’il offre aux hommes. Il faudrait qu’on soit capables d’attirer par le jeu et toutes ses richesses et pas par l’industrie, qui effectivement, en l’état, est loin d’être parfaite. Et ça c’est de la communication qui peut se faire à tous les niveaux. A nous tous, qui sommes déjà dans l’industrie, de montrer ce que nous pouvons y faire, ce que nous arrivons à créer, qui que nous soyons. »

De nouvelles voix

On entend d’ici les patrons (mâles) les plus cyniques des éditeurs de jeux. Embaucher des femmes ? Mais bien sûr : on va leur faire développer des jeux 100 % féminins que les joueuses vont acheter en masse. La fondatrice de Spiders ne partage pas cette façon de voir. « Je me rappelle d’une période où on me demandait systématiquement si, étant une femme, je faisais des jeux pour enfants, des jeux éducatifs ou des jeux pour filles. Non je fais des jeux. Des jeux que j’espère pour tout le monde. Je parle de sujets que je crois ne pas être particulièrement sexués, que j’espère autant que possible universels, assène Jehanne Rousseau. J’ai développé un Splinter Cell sur N-Gage, pas un projet très “féminin” au regard des clichés, et depuis de nombreux RPGs que je ne crois pas non plus particulièrement marqués par un regard “de fille”, mis à part peut-être Faery qui a été justement créé en rupture avec les jeux pour enfants habituels. Je fais le genre de jeux que j’aime en tant que joueuse, j’écris des textes que j’espère vivants et riches, j’essaye de créer des projets intéressants et fun. Le reste… »

Car, non, l’enjeu n’est pas de faire correspondre le profil des créateurs à celui d’une cible commerciale mais, au-delà des questions d’égalité au travail, de continuer à faire « tomber les barrières » selon les mots de Robin Hunicke qui se réjouit à l’idée de découvrir « plus de logiciels conçus par des femmes, des personnes de couleur ou des développeurs queer » parce que « de nouvelles voix dans les jeux sont synonymes de nouvelles manières de jouer ». Belinda Van Sickle ne dit pas autre chose lorsqu’elle regrette de voir depuis tant d’années « des gens faire des jeux pour leurs amis et pour eux-mêmes », soulignant qu’« élargir ce groupe de gens offre l’opportunité d’élargir aussi le champ des genres, des histoires, des personnages, des styles artistiques et des mécaniques de gameplay ; c’est la même chose que pour la littérature, le cinéma ou toute autre forme d’art ».

Et ce n’est pas qu’une vision « artiste » de la question. « Des études chiffrées ont montré qu’avoir des équipes diverses est tout simplement meilleur pour les affaires, note Sheri Graner Ray. Elles prennent de meilleurs décisions sur le plan financier et, surtout, améliorent la créativité et l’innovation. Donc ce n’est pas que vous avez besoin de femmes pour faire des jeux pour femmes ou d’hommes pour faire des jeux pour hommes. C’est plutôt que vous avez besoin de diversité pour faire avant tout de meilleurs jeux. » Il paraît que la moitié des joueurs sont des joueuses. Vivement que la proportion soit la même chez les développeurs.

(Paru dans IG n°26, juin-juillet 2013)

PIONNIÈRES

Le jeu vidéo au féminin possède aussi ses grandes anciennes, des défricheuses qui ont participé à son émergence à une époque où l’industrie était encore plus masculine qu’aujourd’hui. Carol Shaw est l’une d’entre elles, qui fit son entrée chez Atari en 1978 avant de rejoindre Activision et de mettre fin à sa carrière de programmeuse dès 1984. Parmi ses créations les plus fameuses pour l’Atari 2600 : 3D Tic Tac Toe (1980, une variante du morpion), le jeu de dame Video Checkers (1981) et le grand classique River Raid (1982). « Un jour, a-t-elle raconté au site web Vintage Computing and Gaming, Ray Kassar, le président d’Atari, visitait nos locaux alors que j’étais en train de travailler et il a dit : “Oh, enfin ! Nous avons une femme game designer. Elle va pouvoir faire de beaux assortiments de couleurs et de la décoration de cartouches !” Deux domaines pour lesquels je n’éprouvais absolument aucun intérêt… »

La division arcade d’Atari compte alors aussi une femme dans ses rangs, Dona Bailey, qui, avec la collaboration d’Ed Logg, donna naissance à l’un des jeux les plus mémorables de l’époque : Centipede (1980). « C’était la première fois que je me retrouvais dans une situation comme celle-là où vous êtes la seule personne d’un certain type, a-t-elle confié à Gamasutra. D’une certaine manière, vous perdez votre identité. C’est réellement étrange. Ce n’est pas qu’il me soit arrivé d’oublier vraiment que j’étais une femme, mais je passais par des moment où, si, dans un sens, je l’oubliais ! » Co-fondatrice de Sierra On-Line et créatrice de jeux comme Mystery House (1980), King’s Quest (1984) ou Phantasmagoria (1995), Roberta Williams est une autre de ces pionnières au même titre qu’Anne Westfall, conceptrice (avec son mari) du mélange échecs-jeu de combat Archon (1983), avant l’arrivée dans l’industrie de créatrices comme Brenda Brathwaite (qui a notamment travaillé sur la série Wizardry) ou Amy Hennig (Michael Jordan : Chaos in the Windy City, 1994 ; Legacy of Kain, 1996-2003), aujourd’hui chez Naughty Dog.

A l’ÉCOLE

La féminisation de l’industrie vidéoludique passe également par la formation. Et, sur ce plan aussi, les choses semblent en train de bouger. « Depuis la création de l’école, le nombre de filles dans les classes de jeu vidéo ne cesse d’augmenter, doucement mais de façon très régulière, affirme ainsi Cyril Georgin, responsable des Relations Entreprises et Institutionnelles à l’école parisienne Isart Digital. Si elles s’orientent pour le moment en grand nombre en Game Art (35% des effectifs en 2013), elles choisissent également de plus en plus les autres formations (programmation et game design) restées très longtemps 100% masculines et dont elles représentent 15% des effectifs. » Niveau débouchés professionnels, les filles n’auraient rien à envier aux garçons. « Il est souvent évoqué par les gérants de studio que des équipes mixtes communiquent mieux entre elles, relève Georgin. Et sur certains projets, une expertise féminine est essentielle. »

DE SPLINTER CELL À L’ORGASME FÉMININ

Sur l’écran de la DS, un petit lapin bleu avec lequel le joueur (et surtout la joueuse) interagit, le touchant, le caressant, soufflant dans ses poils grâce au micro… Prototype conçu en 2005, le tout mignon Lapis traite d’un sujet inhabituel dans le jeu vidéo : l’orgasme féminin. Et il est tout aussi étonnant d’apprendre que sa créatrice Heather Kelley, fondatrice de la start-up Perfect Plum, membre du collectif Kokoromi et co-commissaire de l’exposition « Joue le jeu » qui s’est tenue en 2012 à la Gaîté Lyrique (Paris), a aussi travaillé sur Splinter Cell : Chaos Theory et Thief : Deadly Shadows. Une trajectoire unique, du blockbuster mainstream au jeu féministe expérimental.  « Ma lignée créative n’est pas celle de Tom Clancy. C’est Julia Kristeva, précise l’Américaine. C’est une affaire de timing et de hasard qui a fait que j’ai travaillé sur ces jeux. Je n’aurais pas été intéressée par le gameplay d’un FPS, par exemple, mais l’infiltration est particulière pour moi. Les joueurs sont récompensés pour avoir passé du temps à remarquer ce qui se passe autour d’eux. J’aime le sentiment que tout l’environnement autour de vous peut faire partie de la solution. Mais j’ai toujours travaillé sur des projets indépendants, alternatifs et artistiques. Je pense qu’il est crucial pour le mainstream de se diversifier, mais je n’ai jamais pensé qu’il constituait la meilleure façon pour moi de partager mes idées. »

Erwan Higuinen

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.