En 2001, un drôle de petit jeu débarquait sur les consoles Nintendo 64 japonaises, une simulation de vie qui, contrairement aux Sims parus un an plus tôt, ne visait pas à reproduire notre monde mais à nous en offrir un autre, bucolique et rieur, kawaii à croquer et moins niais qu’on ne pourrait le penser. Il avait pour nom Animal Crossing et, après un lancement prudent – l’Europe dut attendre 2004 pour le découvrir –, il donna naissance à l’une des séries ludiques les plus populaires de l’époque avec 23 millions d’exemplaires vendus toutes versions confondues.
C’est à présent au tour de la 3DS d’accueillir la sienne qui, après des années d’évolution prudente, apporte de vraies modifications à la formule d’origine. Pas de révolution à attendre, cela dit : on continuera à jouer les garçons de course pour la brebis Karen, à défier Henri la grenouille à la pêche ou à apporter nos trouvailles (fossiles, insectes…) au musée. Mais, cette fois, le joueur est le maire du village d’animaux rigolos et, en tant que tel, c’est à lui qu’échoit le tâche de l’aménager – en commençant par un banc public ou une fontaine avant de voir plus grand.
Auriez-vous été élu par la population locale ? Nullement, car Animal Crossing n’a rien d’une démocratie, et pas seulement parce que vous êtes ici le seul humain (même si d’autres joueurs peuvent vous rendre visite via Internet). Ce serait plutôt une communauté antiautoritaire adepte du troc, du droit à la paresse et des cadeaux à gogo. Et si l’accumulation (de meubles, de vêtements et même d’argent) est au centre de l’expérience, c’est dans un esprit léger, dépassionné, façon « jouons un peu à la marchande, les amis, et après on jouera à autre chose ».
Plus ouvert que jamais sur les tendances du jeu vidéo contemporain, cet Animal Crossing frappe par sa façon de les aborder de biais, faisant sienne leurs promesses tout en désamorçant leurs pièges toxiques. Sim City, FarmVille, les jeux à univers persistants ou ceux qui font du gamer un créateur d’objets ou de défis sont en vue, mais Animal Crossing ne dévie pas de sa ligne fleurie. Et demeure un monde parallèle qui, plutôt que de chercher à vous engloutir, vous donne de petits rendez-vous charmants. Un espace où la pluie, le soleil et la neige sont d’égales bénédictions. Une réalité d’accompagnement (plutôt que de substitution) au sein de laquelle l’attente n’est pas une souffrance mais une occasion de flâner le nez au vent. Un truc singulier, qui nous restitue paradoxalement ce (sens du) temps que d’autres jeux voudraient nous dérober, et qui fait un bien fou.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°916, 19 juin 2013)
Animal Crossing : New Leaf (Nintendo), sur 3DS
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