Certains jeux vidéo ressemblent à un alcool fort, d’autres à une promenade en forêt. Kirby Super Star Ultra serait plutôt un spectacle de cirque ou un gros gâteau meringué. Ou, mieux, un défilé dansant de sucreries costumées. Un truc, en tout cas, nécessitant du joueur qu’il ait le cœur bien accroché. Ames sensibles aux excès de gentillesse criarde et de rondeurs colorées, s’abstenir. Remake enrichi d’un succès tardif de la Super Nintendo, ce troisième volet destiné à la DS des aventures de l’improbable Kirby n’est pourtant pas exactement le jeu que l’on pourrait croire. Sous ses allures de divertissement purement régressif, il procure en effet une expérience étonnamment subtile et diverse.
D’abord, une précision : s’il adopte le principe on ne peut plus classique du jeu de plateforme 2D en vue de côté, Kirby Super Star Ultra n’a vraiment rien d’un clone de Mario. Le rythme ludique, le rapport à l’espace et à l’action qu’il instaure n’ont en effet que peu en commun avec les fantaisies à la rigueur quasi mathématiques dans lesquelles s’illustre le plombier Nintendo. Un niveau de Kirby s’apparente ainsi moins à un parcours plus ou moins linéaire qu’il conviendrait d’effectuer sans commettre d’erreur qu’à un coffre rempli de jouets au moyen desquels chacun écrira sa propre histoire. La plupart du temps, le jeu n’offre qu’une résistance très relative à notre progression, d’autant qu’il est ici possible d’obtenir l’assistance d’un deuxième personnage contrôlé par l’ordinateur. L’enjeu consiste alors surtout à dénicher des trésors et des passages plus ou moins dissimulés dans ses environnements à l’architecture souvent emberlificotée. Ce qui, en passant, n’est pas pour rien dans l’intérêt qu’auront pour le joueur les retours sur des territoires déjà visités.
Mais si deux parties de Kirby sont rarement identiques, c’est d’abord parce, de l’une à l’autre, le héros ne sera pas exactement le même. Boule toute rose que l’on imagine volontiers gélatineuse, ledit Kirby possède deux pouvoirs distinctifs. Le premier lui permet de flotter dans les airs. Le second, plus original, lui confère la possibilité d’avaler ses ennemis et, dans la foulée, de s’accaparer leurs capacités. Et notre sympathique ami de se faire chevalier, ninja ou cuisinier, modifiant en conséquence sa manière d’appréhender les épreuves proposées, lesquelles se révèlent ici aussi nombreuses que variées – le jeu se présente comme une collection d’épisodes plus ou moins indépendants.
Avec son personnage sans qualité adepte du travestissement (comme s’il était d’abord un fan des créatures rencontrées) et les changements de dynamique qui en découlent (complétés par de charmants clins d’œil occasionnels, par exemple au jeu de rôle), Kirby Super Star Ultra apparaît ainsi comme une sorte de méta-jeu n’oubliant jamais d’être un jeu tout court et se nourrissant du médium comme son héros de ses ennemis. En tant que gros gâteau sucré, il se révèle par ailleurs tout à fait savoureux.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°723, 6 octobre 2009)
Kirby Super Star Ultra (HAL Laboratory / Nintendo), sur DS