Made in USA

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Projet monté à grande vitesse sur la demande du producteur Georges de Beauregard à l’approche du tournage de Deux ou trois choses que je sais d’elle, Made in USA est basé sur le roman noir Rouge, blanc, bleu de Richard Stark. Mais s’il en conserve probablement la trame, le film est loin de la stricte adaptation, évoquant davantage une expérience de cinéma pop en forme de fascinant exercice de collage-décollage entre le polar US (les personnages s’appellent David Goodis ou Richard Widmark, on se rend rue Preminger, on évoque l’inspecteur Aldrich…) et la vie politique française sur fond d’affaire Ben Barka et de divergences à gauche.

Superbe en imperméable bogartien sur ses robes ajustées, Anna Karina est de presque tous les plans, que troue à l’occasion Jean-Pierre Léaud de ses arabesques burlesques de quasi danseur juvénile. Marianne Faithfull entonne As Tears Go By dans un bar où l’on s’étourdit de débats nonsensiques en établissant l’inventaire des objets qu’il renferme. Entre collision pionnière de proclamations génialement énigmatiques (car toujours à la fois définitives et incomplètes) et étalage fétichiste presque nonchalant de bruits, mots, corps et couleurs, Made in USA est à jamais sidérant. Sans doute parce qu’il se situe à l’exacte intersection de deux phrases saisies à la volée de ses dialogues à l’audibilité délibérément inégale. La première évoque les « nouvelles méthodes de recherche audiovisuelle de la vérité ». La seconde est une simple constatation : « Il faisait un temps à mettre une caméra dehors et faire un film en couleurs. »

(Paru dans Les Inrockuptibles, hors-série Godard, mai 2006)

Made in USA (1966) de Jean-Luc Godard

Erwan Higuinen

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