Resident Evil 4

RE4

Au bout du chemin, le village a l’air sinistre. Avancer, lentement, prudemment. Recharger son arme, au cas où. Brusquement, un cri : on est repéré. Menaçants, ils approchent. On fait feu, mais ils sont trop nombreux. Vite, courir, trouver un refuge. Cette maison ? On referme la porte, on se rue à l’étage. La fenêtre vole en éclats, ils sont là. Et en voilà d’autres, qui surgissent par derrière. Soudain, un bruit de tronçonneuse. Panique, sueur froide. Un homme au visage recouvert d’un sac en papier se jette sur nous. Et nous abandonne au sol, la tête tranchée. Resident Evil 4 est brutal, intense, magnifique et terrifiant. Le joueur y est plongé dans un monde riche, complexe, et qui le hait.

Parmi les grands jeux vidéo, il y a ceux qui ouvrent de nouvelles routes, qui défrichent des territoires inconnus. Resident Evil 4 est de l’autre école : globalement fidèle à un genre, il travaille à le faire grandir, abattant les clôture qui en limitaient l’expansion. Connu sous le nom de survival horror (il s’agit, donc, de survivre dans un univers horrifique), celui-ci découle d’ailleurs largement du tout premier Resident Evil, paru en 1996. Depuis, son créateur Shinji Mikami avait pris ses distances. Pour Resident Evil 4, il est de retour, bien décidé à reprendre son œuvre en main pour la réinventer. En mettant l’accent sur sa composante « action » plus que sur les énigmes dont le genre est traditionnellement parsemé, mais aussi en instaurant un dialogue fructueux avec les jeux les plus importants de ces dernières années.

De la subtilité de ses architectures à la dose d’interactivité insufflée aux scènes cinématiques, de l’importance accordée au plan des lieux (avec ses passages à débloquer) aux éléments dynamiques empruntés aux jeux de tir, de la distanciation occasionnelle à l’émouvante nécessité de protéger la jeune fille que le héros est venu secourir (et dont l’appel tient de la mélopée déchirante), Resident Evil 4 amène ainsi le joueur à se remémorer ses aventures passées dans Metal Gear Solid, Metroid Prime, Shenmue, Prince of Persia ou Ico. Mais à mille lieux de la citation stérile, plutôt à la manière d’un film de Hawks qui en rappellerait un autre de Ford.

Changements de rythme, flambées brutales, composition linéaire ou circulaire. Alternance entre horizontalité et verticalité, entre espaces ouverts et confinés, entre solitude, sentiment de responsabilité et, sur le tard, protection qui nous est offerte. Resident Evil 4 marie comme rarement simplicité (il s’agit toujours de progresser en tuant pour ne pas mourir) et sophistication, ses dispositifs ludiques se déployant avec une variété inouïe. Avec toujours, devant, l’inconnu, qui nous appelle.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°489, 13 avril 2005)

Resident Evil 4 (Capcom), sur GameCube, Wii, Wii U, PS2, PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One et PC

 

Erwan Higuinen

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