Lorsque Disney a révélé l’identité du créateur chargé de refaire de Mickey Mouse une star du jeu vidéo, la surprise fut monumentale. Fameux pour ses univers adultes, Warren Spector (Deus Ex) était-il l’homme de la situation ? Le barbu quinquagénaire aux pulls sans manche légendaires s’étonne de notre étonnement : « Les gens qui me connaissent n’ont pas été surpris. “Il était temps”, m’a dit ma mère, comme si j’avait attendu cette opportunité toute ma vie. Avant d’entrer dans le monde du jeu vidéo, j’ai fait des jeux de plateau comme Toon : The Cartoon Roleplaying Game. J’étais le gars marrant !. Je sais que c’est difficile à croire aujourd’hui, mais c’est pour moi une sorte de retour aux sources. »
Pour l’avoir entendu démontrer en quoi le Mickey des années 30 diffère de celui des années 20, on ne mettra pas en doute l’amour de Spector pour la souris Disney (« Cela peut paraître fou, mais je ressentais une responsabilité vis-à-vis de Mickey ») et sa parfaite connaissance de son histoire. Qu’Epic Mickey revisite d’ailleurs en nous faisant explorer un monde où se sont réfugiés les héros oubliés de la mythologie Disney, et d’abord le grand ancêtre, Oswald le lapin chanceux. « Disney a racheté les droits d’Oswald en 2006, souligne le game designer américain. Et où fait-il sa première apparition ? Dans un jeu vidéo. Ce ne serait pas arrivé il y a dix ans. Et c’est un honneur de ramener à la vie le premier enfant de Walt. »
Mêlant phases de plateformes et quêtes façon jeu de rôles, Epic Mickey place cette question de l’oubli, de la disparition au cœur même de son gameplay en offrant au rongeur en culottes courtes un pinceau qui lui permet de compléter ou d’effacer en partie les décors. Et le résultat se révèle aussi enchanteur que, finalement, très spectorien car tout, ici, est une question de choix (va-t-on aider ce personnage ou privilégier la chasse au trésor ?). Et de conséquences, plus tard, dans l’univers du jeu. « Tous mes jeux ont à voir avec ça, avec le fait que c’est vous qui vous montrez créatif plutôt que l’équipe », reprend Spector. Qui n’a peut-être pas fini de surprendre les fans de ses jeux autrefois si sombres. « Je suis entré en croisade depuis ma toute première conversation avec Disney pour faire un jeu Duck Tales, révèle-t-il. Un jeu Carl Barks, qui est mon auteur de comics préféré. Ce qu’il a fait avec Picsou était incroyable… »
(Paru dans Les Inrockuptibles n°785, 15 décembre 2010)
Epic Mickey (Junction Point Studio / Disney), sur Wii