Un divan à New York

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Un divan à New York est le fruit d’un désir, celui de Chantal Akerman, cinéaste généralement cantonnée dans le circuit « art et essai », de réaliser une comédie américaine. Disposant d’un budget plus consistant qu’à l’habitude, elle situe son film à New York et fait appel à deux stars (Juliette Binoche et William Hurt) pour les rôles principaux.

Le film commence par un échange d’appartements entre Béatrice, jeune danseuse parisienne, et Henry, célèbre psychanalyste new-yorkais. Par ce changement de décor, Un divan à New York s’inscrit dans le prolongement de la comédie américaine classique qui, versant Hawks ou versant Lubitsch, a beaucoup à voir avec l’altérité et comment on s’y cogne avant de s’y attacher. A la différence près qu’ici l’autre est d’abord physiquement absent, ce qui n’empêche pas de commencer à le connaître en prenant sa place (comme psy) ou en s’immisçant dans son intimité (lire ses lettres et voir ses amants). La rencontre sera donc progressive, de l’absence à la présence masquée puis à l’abandon des masques.

Ceux-ci naissent d’abord d’une volonté de se cacher, de dissimuler son identité ou de jouer au psy alors que l’on est une danseuse. Mais cette dissimulation n’est pas forcément délibérée : elle est aussi le résultat d’une incapacité à y voir clair ou, tout simplement, à s’exprimer. Car le film est marqué par la parole malade, réduite à peu de chose (les « oui » et les « han han » de Béatrice en psy, le silence du vrai psy devenu patient), franchement incohérente (le discours haché d’Henry à son meilleur ami) ou parasitée par une autre conversation, comme dans l’une des rares scènes de pure comédie où Henry vient interférer dans la commande que tente de passer le client d’un restaurant. Et si Béatrice et Henry finissent par se « reconnaître », ce n’est pas par la vue, comme le laisse croire un habile montage en faux champ-contrechamp, mais bien par la parole, devenue enfin fluide au bout de cette comédie en forme de psychanalyse ludique.

(Paru dans Libération du 17 mai 1997)

Un divan à New York (1996) de Chantal Akerman

Erwan Higuinen

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