Avec Platoon (1986), son quatrième film, Oliver Stone s’attache à raconter sa guerre du Viêt-nam. Car, comme le héros du film, il s’est engagé dans l’infanterie (en 1967) ; comme lui, il y a combattu et en est revenu blessé. Pour Stone, la guerre du Viêt-nam est un événement fondateur, une obsession qui le pousse à examiner de façon quasi systématique les dérapages de l’histoire récente des Etats-Unis. Outre cette guerre qui fait l’objet d’une trilogie (Platoon, Né un 4 juillet, Entre ciel et terre), ses films évoquent l’assassinat de Kennedy, la destitution de Nixon ou le virage yuppie du rêve américain (Wall Street).
Si Platoon pâtit de l’inévitable rapprochement avec les grands films sur (ou autour de) la guerre du Viêt-nam signés Coppola, Cimino, Kubrick ou De Palma, il n’en vaut pas moins le détour comme matrice esthétique autant que thématique de l’œuvre d’Oliver Stone. Les meilleures scènes de ce film, par ailleurs entaché de lourdeurs (ralentis, musique redondante et manichéisme) comme souvent chez Stone, sont celles où les jeunes soldats, perdus dans la jungle vietnamienne, ne savent plus où ils sont, où ils vont, par où l’ennemi va arriver. Du scénario de Midnight Express d’Alan Parker à la série télévisée Wild Palms qu’il a produite en passant par JFK et sa théorie du complot généralisé, tout ce qu’a filmé ou écrit Stone (dont les deux premières réalisations, Seizure (1974) et The Hand (1981), sont des films d’horreur) peut se rattacher précisément à cette scène, en forme de cauchemar nettement paranoïaque.
A ce moment de Platoon, le film quitte sa fiction calibrée pour tourner au trip halluciné avec perte de fiabilité des sens à la clé, pour un effet qui annonce The Doors (1991) et surtout Tueurs nés (1994) où Oliver Stone poussera ce principe à l’extrême, les plans y devenant flashs et le montage collage de matériaux hétérogènes. Très discutable, son œuvre est néanmoins de celles que l’on aurait tort de prendre à la légère.
(Paru dans Libération du 13 septembre 1997)
Platoon (1986) d’Oliver Stone