Les chiffres romains auraient dû nous mettre sur la voie. Entre un épisode de Final Fantasy et le suivant, le rapport est très différent de celui qui existe, au cinéma, entre Spider-Man (ou Matrix, ou La Boum) 1 et 2. La relation entre Final Fantasy XIII et l’épisode XII a sans doute plus à voir avec celle que devait entretenir un roi de France avec son prédécesseur. Aux Européens découvrant le titre appelé à régner pour les années à venir sur le jeu de rôle made in Japan, la vérité ne tardera d’ailleurs pas à s’imposer : le nouveau souverain est bien décidé à tuer le père.
Oubliés, les montagnes et déserts, les cités et civilisations merveilleuses de l’immense FF XII. Place à une structure plus simple, à une approche violemment frontale marquée par l’abandon d’à peu près tout ce qui faisait le prix du précédent volet (sa liberté d’action, ses lieux évocateurs, sa densité narrative). Pendant la première partie de l’aventure (soit 20 à 25 heures, quand même), FF XIII évoque davantage le controversé épisode X avec son alternance de séquences de combats (on progresse en ligne droite en affrontant des monstres) et de scènes cinématiques (on pose la manette pour suivre en spectateur la progression de l’intrigue). Les passages non interactifs ont beau se révéler somptueux et le système régissant les batailles plus riche et dynamique que dans n’importe quel autre volet de la saga, la découverte du jeu a de quoi susciter la déception. Tout cela ne doit pourtant rien au hasard.
Deux hommes sont aux commandes de ce Final Fantasy XIII : le producteur Yoshinori Kitase, maître d’œuvres des fabuleux FF VI et VII, et le réalisateur Motomu Toriyama, auteur des épisodes dérivés FF X-2 et FF XII : Revenant Wings. « Dans la première moitié du jeu, le gameplay est gouverné par l’histoire que vous suivez presque comme si vous regardiez un film ou une série télévisée afin d’apprendre des choses et de vous familiariser avec l’univers, précise Kitase. FF XII était d’une certaine manière un jeu plus stoïque, avec un monde énorme et un gameplay très fermement établi. Le XIII est sans doute plus impressionnant visuellement, plus spectaculaire, et son histoire est destinée à vous émouvoir. Il s’agit de deux styles très différents. »
Le jeu confrontant un monde aérien privilégié (mais maintenu dans une ignorance contrôlée et au sein duquel sont opérées des « purges ») à une portion d’humanité crainte et rabaissée, on aimerait en faire une lecture politique, mais Toriyama nous arrête avant de réaffirmer son intention d’« injecter dans chaque projet sur lequel [il] travaille une bonne histoire avec un drame humain profond » : « Le thème du jeu, c’est la détermination que met chacun à affronter son propre destin. » Qu’importe, le joueur est libre d’y voir ce qu’il veut. Et, une fois les réticences initiales dépassées, on trouve ici largement de quoi s’émerveiller (la cité de Nautilus, les plaines de Pulse…) et se laisser séduire par le contre-pied radical de ce jeu obsessionnellement sentimental. Le roi FF XII est mort – on ne le chérira que davantage. Vive le roi FF XIII !
(Paru dans Les Inrockuptibles n°745, 10 mars 2010)
Final Fantasy XIII (Square Enix), sur PS3, Xbox 360 et PC
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