Vera Cruz

VeraCruz

Ancien assistant, entre autres grands noms, de Wellman, Losey, Chaplin et Renoir, Robert Aldrich passe à la réalisation en 1953. Au cours de ses trois premières années de métier, il tourne pas moins de six films, dont le vénéneux En quatrième vitesse, Bronco Apache, féroce western pro-indien et, donc, ce Vera Cruz de 1954 qui réunit Gary Cooper et Burt Lancaster.

Le film prend place au Mexique en 1866 pendant la guerre entre les troupes franco-autrichiennes de l’empereur Maximilien et la résistance populaire locale. Lancaster y campe un aventurier sans scrupule, Joe Erin, décidé à s’engager comme mercenaire auprès du camp le plus offrant. Benjamin Trane (Cooper) est son ami et allié, du moins jusqu’à la prochaine trahison qui, dans Vera Cruz, ne se fait jamais attendre très longtemps. Mais Trane est plus complexe. Ancien officier sudiste de la guerre de Sécession, il n’est pas dénué de morale comme Erin, mais n’hésite pourtant pas à marchander son engagement avant de défendre une « cause ». Loin de l’altruisme du passé, le héros de western selon Aldrich ne fait rien gratuitement; il attend d’être payé en retour, et payé le plus possible. Le choix de confier ce personnage ambigu à Gary Cooper, qui arrive chargé de ses anciens rôles de héros « classiques », n’est bien sûr pas innocent. Chez Aldrich, la naïveté originelle du western a disparu. Reste l’aventure, mais celle-ci est guidée par la cupidité et non par de grands idéaux. Sans jamais prendre le genre de haut, Aldrich livre un western désenchanté dans lequel la confiance est une erreur et la méfiance une preuve de lucidité.

Mais Vera Cruz est avant tout un film rageur, presque haineux dans son traitement de la violence. Au passage, on saisit un sourire sadique sur le visage de Lancaster au moment où il achève, d’un coup de lance, un soldat de l’empereur, sourire que l’on reverra dans En quatrième vitesse et qui est aussi un miroir tendu au spectateur, juste au cas où celui-ci se laisserait aller, fasciné, à jouir du spectacle de cette violence.

(Paru dans Libération du 19 avril 1997)

Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich

Erwan Higuinen

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