Uncharted 2 n’a rien de révolutionnaire. Mais c’est à peu près tout ce que l’on peut raisonnablement reprocher au second épisode des aventures de Nathan Drake, sémillant émule d’Indiana Jones. De la jungle de Bornéo aux sommets himalayens, de fusillades urbaines en acrobaties ferroviaires, sur les traces de Marco Polo ou à la recherche du mythique royaume tibétain de Shambhala, Uncharted 2 est un régal de tous les instants. Même s’il ne propose donc que peu d’idées vraiment originales, comme si les développeurs de Naughty Dog cherchaient moins à innover qu’à perfectionner des mécaniques empruntées à d’autres (Gears of War, Tomb Raider, Prince of Persia…)
« Ce n’est pas une impression complètement fausse, mais pas complètement vraie non plus, réagit Christophe Ballestra, programmeur français devenu le coprésident du studio californien. On s’inspire d’autres jeux, mais aussi de films, de littérature, d’art, de plein d’autres choses. On ne s’en est jamais caché, Jak & Daxter pouvait déjà être comparé à un Mario. Je pense que là où l’on fait la différence, c’est au niveau de l’exécution, de l’histoire, de la qualité d’animation. L’univers qu’on propose est quand même unique et original. Mais on n’a pas envie de tout redéfinir, de tout changer pour tout changer et que les joueurs soient obligés de réapprendre comment jouer à un jeu. Comme si on faisait un film ou si on écrivait un livre, on a envie qu’ils aillent jusqu’au bout, donc on essaie de les mettre le plus à l’aise possible. » Mission accomplie : Uncharted 2 se révèle un jeu particulièrement accueillant, dans lequel on se love sans y penser pour une expérience cinématico-ludique d’une remarquable fluidité.
Entre ses trois composantes principales que sont le tir, la plateforme et les interludes animés, les coutures disparaissent, conséquence probable du long fignolage opéré par Naughty Dog. « On a eu des dizaines de “focus tests”, précise Ballestra. Des gens viennent chez nous pendant une semaine, on les regarde jouer, on récupère les données de la PS3 et on analyse tout ça. On simplifie parfois les choses pour que les joueurs ne se retrouvent pas bloqués. Le but n’est pas qu’ils restent coincés 30 minutes dans une pièce à se demander ce qu’il faut faire. On tient à ce que le rythme soit toujours là. »
La démarche pourrait accoucher d’un produit sans âme. Elle nourrit ici au contraire un jeu-trip qui ne manque pas de personnalité, de sa plastique scintillante affranchie du dogme photoréaliste à sa manière d’amener mine de rien le joueur là où les développeurs le souhaitent selon le principe baptisé « wide linear » par Ballestra : « On raconte une histoire et cela reste linéaire sur ce plan-là, mais les choix de gameplay sont assez larges. Chacun pourra trouver son style et sa technique pour aborder les différents endroits qui sont proposés. » Une raison de plus de ne pas bouder son plaisir devant l’un des grands jeux de cette année. La révolution pourra bien attendre encore un peu.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°727, 4 novembre 2009)
Uncharted 2 : Among Thieves (Naughty Dog / Sony), sur PS3 et PS4