Un homme à la mer

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En 1993, Jacques Doillon revient au Grand Hôtel de Cabourg, six ans après y avoir tourné L’Amoureuse. A l’époque, comme pour Un homme à la mer, c’était un téléfilm. Donc un film. Cette fois, Doillon raconte l’histoire de trois femmes parties à la recherche d’un homme, en fuite avec une quatrième femme, sa très jeune nouvelle maîtresse (Géraldine Pailhas). L’homme, alter ego de Doillon, c’est Jacques Higelin, démarche d’adolescent maladroit et visage ridé de vieille femme. Les trois femmes, sa fille (Marie Gillain), son ex (Nicole Garcia) et sa régulière (Isabella Ferrari), le rejoignent à Cabourg.

Au fond, Un homme à la mer est un film policier, l’enquête menée par quatre femmes sur un homme qui, avant même d’apparaître à l’écran, est l’unique sujet de conversation. Un homme touché par une maladie incurable : le vieillissement. Lorsqu’elles le retrouvent, l’enquête se poursuit. Au cours de longs plans fixes, une à une, elles s’entretiennent avec lui. Il s’analyse, passe aux aveux. Pas impossible qu’il soit sincère, d’ailleurs.

Comme toujours chez Doillon, le discours (le bavardage, diraient ses détracteurs) tient une place centrale. Et compte autant pour ce qu’il révèle que pour ce qu’il permet de dissimuler, d’étouffer sous une avalanche de mots. A tellement parler, à tant se dévoiler sous des airs faussement ironiques, l’homme se dérobe peu à peu. L’enquête féminine se délite. Du coup, l’enjeu se déplace. Doillon filmait les visages ; à présent, il filme les corps qui se cherchent, qui se cognent ou se rejoignent pour s’offrir un bref réconfort. Jusqu’à la dernière scène du film, un exposé des lois de l’attraction selon Jacques Doillon. Sur la plage de Cabourg, Higelin et les quatre femmes se cherchent. Plus de discours, juste cinq silhouettes. Un plan dépouillé, une simple figure géométrique. Chacun, chaque corps, prend une direction différente. L’homme, lui, marche vers l’hôtel.

(Paru dans Libération du 30 août 1996)

Un homme à la mer (1993) de Jacques Doillon

Erwan Higuinen

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