Abyss

Abyss

La grande qualité d’Abyss est de ne pas être ce qu’on a voulu en faire lors de sa sortie, à savoir un simple sommet en matière d’effets spéciaux. Car si le film de James Cameron faisait effectivement figure de pionnier dans ce domaine à l’époque, les effets spéciaux ne sont jamais traités comme une performance mais se veulent au contraire source d’émerveillement.

Le film, au scénario un peu flottant, raconte l’aventure d’un groupe d’hommes et de femmes dont la plate-forme de forage pétrolier immergée est réquisitionnée par l’armée après échouage d’un sous-marin nucléaire à proximité. Totalement coupés de la surface, ils rencontreront une forme de vie sous-marine jusqu’alors inconnue. Ces INT (intelligences non terrestres) sont, pour les humains, radicalement autres. Il est donc logique qu’elles ne soient qu’effets spéciaux, images elles aussi autres. A l’inverse de nombre de superproductions américaines qui jouent la surenchère, James Cameron filme modestement l’apparition de ses créatures, dans une approche quasi documentaire et paradoxale puisque ce qu’il enregistre, des images conçues par ordinateur, n’était tout simplement pas là au moment du tournage.

Outre l’apparition de créatures d’autant moins tangibles qu’elles paraissent, au départ, n’être qu’eau et lumière, Abyss montrera la résurrection d’une femme noyée avant de s’offrir une fin en forme de miracle. Pour que le film fonctionne, le spectateur doit, tout en demeurant conscient que ce qui lui est montré n’est pas réel, faire l’effort d’y croire au lieu de se perdre dans l’admiration vaine de prouesses technologiques.

Cette foi faussement naïve n’est en fait que le respect par le spectateur du contrat implicite passé avec le réalisateur qui est la base même du cinéma comme spectacle. A une époque où, dans le cinéma commercial américain, la connivence entre le metteur en scène et le spectateur se fait généralement au-dessus et, donc, au détriment du film auquel plus personne ne croit, Abyss a naturellement été un four au box-office.

(Paru dans Libération du 12 avril 1997)

Abyss (1994) de James Cameron

Erwan Higuinen

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