Par quel bout prendre Shiri ? En France, c’est une sortie discrète, un petit film. En Corée, ce fut un budget et un triomphe énormes (record de Titanic battu, nous répète-t-on). Faut-il alors annoncer que ce n’est pas une révélation majeure ? Que Kang Je-Gyu ne vaut pas les quatre ou cinq bons cinéastes coréens découverts ces dernières années et que, dans le rayon film d’action asiatique, Shiri est très loin du Time and Tide de Tsui Hark ? Ou plutôt souligner qu’il dépasse allègrement tous les Opération Espadon du monde ?
En Corée, le but est apparemment, comme en France, de se montrer à la hauteur de l’Amérique. Mission accomplie, et plutôt mieux que par chez nous. Mais le propos est coréanisé (et parfois de façon très explicite), c’est-à-dire adapté à un pays coupé en deux depuis 50 ans. Deux agents enquêtent sur une menace terroriste. Cette femme que j’aime (traduction : l’autre Corée), dois-je l’épouser ou la tuer ? Et si elle était mêlée au complot ? Alors que deux ou trois modestes trouvailles de mise en scène émaillent ce récit routinier, la sentimentalité, de latente, se fait diffuse, aussi loin du lyrisme d’un John Woo que des faux-semblants hollywoodiens. Séduit alors cette manière, même en pleine fusillade, d’être toujours comme partagé, de s’élancer la tête un peu ailleurs. A peine, mais un peu. Ce n’est déjà pas si mal.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°564, janvier 2002)
Shiri (2000) de Kang Je-Gyu