Si les Européens ont dû attendre près de six mois avant de le découvrir, Eledees faisait pourtant partie, au Japon comme aux Etats-Unis, des tout premiers jeux disponibles pour la Wii. Rien d’étonnant, donc, à ce que son concept semble découler directement de la première interrogation des développeurs confrontés à la nouvelle console : que diable allaient-ils faire de cette étrange manette ? La réponse apportée ici en rappellera d’autres : l’utiliser pour réduire l’écart entre les mouvements du joueur et leurs effets à l’écran. Mais là où beaucoup ont opté pour la collection de mini-épreuves (Wario Ware, Rayman contre les lapins crétins) ou se sont contentés de diversions ponctuelles au sein de genres éprouvés, les auteurs d’Eledees, eux, construisent un jeu entier, aussi malin que consistant, à partir de cette idée.
Leur inspiration paraît provenir en partie de deux jeux que l’on n’aurait pas imaginé marier : Half-Life 2 et Katamari Damacy. Au premier, monument du FPS (jeu de tir en vue subjective), Eledees emprunte son fameux « gravity gun », arme qui permettait d’attirer à soi des objets et de les bouger à volonté. Du second, le jeu reprend les environnements issus du quotidien mais comme cartoonisés (à la manière, aussi, du méconnu Chibi Robo) et, surtout, une certaine vision du monde comme terrain d’expérimentation (et de comédie) physique.
Concrètement, le joueur explore les lieux à la recherche de petites créatures électriques (les Eledees, donc) qui s’y dissimulent plus ou moins bien, muni d’un « pistolet de capture » lui permettant de les attraper mais aussi (et surtout) de se saisir des moindres objets pour les déplacer, les entasser, les lancer à travers la pièce… La dynamique du jeu et son implacable (mais rieuse) logique de progression rejoignent alors celles de Katamari Damacy, avec un mouvement du foyer vers le monde (d’abord la chambre, puis le salon, le jardin, la rue, jusqu’à un parc d’attraction) et la possibilité de soulever des objets de plus en plus lourds (une assiette, une chaise… une cabine téléphonique. Pour se faire l’artisan de plus en plus réjoui d’une très cathartique progression du désordre. Car, derrière son scénario gentillet, Eledees tiendrait presque de l’incitation à la dévastation avec ses espaces savamment encombrés et riches en cachettes potentielles, qui nous sont comme offerts par une interface dont la grande qualité est de se faire oublier. Nos gestes, ainsi, semblent influer directement sur les lieux visités. Un mur est discrètement tombé : le joueur entre dans l’image. Avec la ferme intention de la profaner.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°605, 3 juillet 2007)
Eledees (Konami), sur Wii