Animal Crossing : Rencontre avec Aya Kyogoku

AyaKyogoku

Si Katsuya Eguchi, le père d’Animal Crossing, suit toujours de très près le destin de la lumineuse série kawaii, il en a abandonné la direction depuis le volet DS. Un duo inédit était aux commandes de New Leaf, constitué d’Isao Moro et de la peu connue Aya Kyogoku qui, au printemps dernier, en a assuré la promotion en compagnie de son mentor.

La petite fille à couettes nous fait visiter sa maison. Nul n’oserait la quitter des yeux alors qu’elle descend l’escalier pour nous conduire au sous-sol, dans une pièce dont elle semble particulièrement fière : c’est un studio de musique bourré d’instruments dont se détache une très jolie guitare de couleur rose. « Je l’ai dessinée moi-même en imitant celle que je possède dans la vraie vie. Mais cette maison est beaucoup plus grande que la mienne. C’est mon idée de ce qu’une maison devrait être », explique Aya Kyogoku à la dizaine de journalistes qui, autour de la table, ne perdent pas une miette de sa présentation d’Animal Crossing : New Leaf. A ses côtés, Katsuya Eguchi, le créateur de la série et producteur de cet épisode 3DS comme des versions DS et Wii qui l’avaient précédée, se fait discret. La parole est à la jeune femme aux gestes discrètement fébriles, peut-être un peu intimidée, sans doute aussi gagnée par une certaine excitation lors de cette escale londonienne de mai en amont du lancement européen de son premier jeu comme director, à 31 ans, un peu moins d’une décennie après son entrée chez Nintendo. Ce poste, Aya Kyogoku n’était certes pas seule à l’occuper – sous le contrôle d’Eguchi, Isao Moro et elle se répartissaient les tâches – mais, à la voir déambuler par alter ego interposé dans cette ville où elle avoue avoir passé bien des heures, cela ne fait aucun doute : cet Animal Crossing plus riche et ouvert que jamais est assurément le sien.

Animal-CrossingNL

Pression
« J’avais déjà travaillé sur la version Wii, Animal Crossing : Let’s Go to the City, en tant que sequence director, précise-t-elle, mais cette fois, comme director, j’ai ressenti beaucoup plus de pression. Heureusement, le jeu a été très apprécié au Japon et ça a l’air d’être la même chose en Europe donc, maintenant, je suis heureuse. » On recule devant l’idée d’une analogie avec une autre fameuse saga Nintendo, Zelda, sur laquelle elle a d’ailleurs elle-même œuvré par le passé au rayon scénario, sur Four Swords Adventures et Twilight Princess. On n’ose pas, donc, lui demander si elle ne serait pas un peu l’Eiji Aonuma d’Animal Crossing, avec, dans le rôle du Shigeru Miyamoto de la ville animalière, ce Katsuya Eguchi dont elle semble souvent quêter l’approbation du regard.

On tente quand même une question un minimum directe. Est-ce que les partis pris de New Leaf, qui marque sans doute l’évolution la plus nette de la série depuis ses débuts tout en correspondant à son arrivée aux manettes, ne seraient un reflet de sa personnalité ? « La série Animal Crossing vous donnait jusqu’ici l’opportunité de partager le même espace avec les membres de votre famille ou vos amis. Cette fois, avec le Street Pass et le Spot Pass, vous pouvez entrer en contact avec une étendue beaucoup plus large de gens, jouer ensemble à des mini-jeux sur l’île tropicale où vous pouvez vous rendre ou partager des screenshots. Et je pense que c’est fidèle au concept de la série. » Raté : à question personnelle, réponse collective, humble, prudente et factuelle. A moins qu’il ne faille lire entre les lignes ?

« Lent mais adorable »
Installée à la droite de Katsuya Eguchi, Aya Kyogoku s’exprime beaucoup avec les mains. Ses grands yeux ne tiennent pas en place, passent d’un membre à l’autre de son auditoire, se posent avec une nuance d’inquiétude sur le traducteur qui s’échine sur les questions improbables de certains journalistes allemands (« Quelle a été la réaction de l’amateur de folk qu’est Miyamoto quand il a appris que, dans New Leaf, le musicien Kéké devenait DJ ? » ; « Est-ce que vous n’avez pas peur que les gens passent tellement de temps sur Animal Crossing qu’ils finissent par ne plus acheter d’autres jeux Nintendo ? »). Elle se saisit fièrement des guides officiels du jeu aux allures de bottins, publiés au Japon, preuves de l’invraisemblable abondance d’objets présents dans le jeu. « Tous les membres de l’équipe ont apporté leurs idées, assure-t-elle, qu’ils soient designers, programmeurs, ingénieurs du son… » Priée de nommer son personnage favori d’Animal Crossing : New Leaf, Aya Kyogoku élit le paresseux en charge du magasin de jardinage. « Il est un peu lent, c’est vrai, mais absolument adorable. » A l’image de ce jeu que chérit la petite fille à couettes qui sommeille en elle, et en nous.

(Paru dans IG n°27, août 2013)

Erwan Higuinen

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