Fire Emblem : Awakening

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Après avoir participé côte à côté à tant de parties sur l’échiquier, le fou et la tour étaient devenus si complices qu’un beau jour, ils décidèrent de se marier. C’est, en exagérant à peine, le genre de surprise que réserve Fire Emblem : Awakening, le dernier volet en tous points remarquables d’une des plus fameuses séries nippones de jeux de rôle tactiques (ou tactical RPG). Ces derniers sont le fruit d’une sorte d’hybridation entre le wargame (on déplace nos troupes sur un champ de bataille divisé en cases) et le jeu de rôle traditionnel, avec tout ce que cela implique, au fil d’un récit épique riche en rebondissements, de développement des personnages qui nous sont confiés. Et ici, donc, de leurs affinités qui dépendront largement de nos propres choix.

Les choix en question, bien évidemment, sont d’abord d’ordre militaire. Comment aborder ce nouvel affrontement en forme de défi intellectuel et dont l’objectif (vaincre tous les ennemis, terrasser leur chef…) s’affiche clairement ? Vaut-il mieux jouer offensif, tenter l’encerclement, avancer avec précaution, envoyer un duo mage-archer en éclaireur ? Sur ce plan, les développeurs d’Intelligent Systems (à qui l’on doit aussi les séries Advance Wars et Paper Mario) trouvent un équilibre quasi-inespéré. Jamais la mission ne donne le sentiment de ne posséder qu’une « solution ». Souvent, pourtant, on réalise qu’on vient de commettre une grave erreur tactique, que l’on s’empresse d’essayer de rattraper. Il est d’ailleurs tout à fait envisageable de ressentir davantage de fierté au sortir d’une victoire remportée en dépit d’un départ calamiteux que d’une bataille au cours de laquelle notre plan a parfaitement fonctionné.

Si Fire Emblem : Awakening tient du casse-tête sans cesse renouvelé – y compris en plein combat lorsque, soudain, l’arme d’un de nos héros vient à se briser –, c’est aussi un petit théâtre mélodramatique soigneusement mis en scène. Devant nos yeux, les pions du jeu d’échec prennent vie. Et puis, parfois, ils meurent. Définitivement, et cela a toujours été l’une des grandes spécificités de Fire Emblem : on ne reverra plus les victimes de toute l’aventure – sauf si l’on a choisi le mode de jeu le plus indulgent, qui fait moins peur. La mort, donc, et la guerre, ce n’est pas rien. Ce n’est pas que du fun, quand bien même la fiction manga oserait souvent la légèreté. Voilà le véritable miracle d’Awakening, jeu abstrait et incarné à la fois, qui nous réveille le cerveau et nous brise le cœur. Sur l’échiquier, on jurerait que le cavalier va se mettre à pleurer.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°911, 15 mai 2013)

Fire Emblem : Awakening (Intelligent System / Nintendo), sur 3DS

Erwan Higuinen

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