Les temps changent. Longtemps, Dragon Quest fut un phénomène purement japonais, le jeu de rôle local le plus populaire, devant même Final Fantasy que les joueurs européens ont pourtant eu l’occasion de découvrir bien plus tôt. Jusqu’à son épisode VIII paru chez nous en 2006, il n’y avait qu’un moyen de s’y adonner : recourir à l’import – et apprendre le japonais. La sortie française de Dragon Quest IX un an seulement après sa parution au Pays du Soleil levant (où, avec plus de 4 millions d’exemplaires écoulés, il fut le jeu le plus vendu de 2009), est donc déjà en elle-même une excellente nouvelle.
Il y a quelques mois, on découvrait Final Fantasy XIII : ses cinématiques flamboyantes, son système de combat novateur. Dragon Quest IX, c’est tout le contraire : les affrontements (au tour par tour) y sont des plus classiques et le jeu ne fait aucunement dans la surenchère technologique. Ses concepteurs ignorent d’ailleurs superbement les consoles HD où s’épanouit la saga rivale : le jeu se pratique sur les petits écrans de la DS. Ce qui lui va plutôt bien, soulignant la dimension intime déjà présente dans les épisodes précédents. Car, si Final Fantasy est pensé comme une épopée lyrique, Dragon Quest serait plutôt un recueil de contes, plutôt un assemblage de ravissantes miniatures qu’une fresque fantasmagorique. Cela n’implique pas pour autant qu’on en verrait vite le bout : en ce qui nous concerne, c’est au bout de 52 heures qu’on découvrit la fin du récit.
Pour en arriver là, il aura fallu visiter villes et forêts (et même une école où l’on joue les détectives infiltrés), percer à jour le mystère des liens entre un petit port de pêche et la baleine qui lui rend visite, apprendre à connaître une jeune reine très imbue de sa personne ou un vieil homme ayant sculpté à l’identique et pour lui seul le village de sa jeunesse qu’il regrette tant d’avoir quitté. Le tout est parfaitement intégré au gameplay et narré par petites touches subtiles qui donnent à Dragon Quest son évidence, unique dans le jeu de rôle nippon. Et sa profondeur, laquelle n’est pas que ludique. D’une histoire à l’autre reviennent les mêmes thèmes, les mêmes sentiments. C’est un jeu sur la perte, le deuil, hanté par une question simple : qu’est-ce qu’on peut bien faire après ?
Les connaisseurs auront reconnu la patte de Yuji Horii, authentique génie du jeu vidéo, scénariste et designer de tous les Dragon Quest qu’il conçoit avec le dessinateur Akira Toriyama (également auteur du manga Dragon Ball) et le compositeur bientôt octogénaire Koichi Sugiyama. Dragon Quest IX a cependant quelque chose de particulier : pensé pour se jouer aussi à plusieurs (en réseau local wifi), il regorge de quêtes parallèles à son aventure principale. Une fois celle-ci achevée, ce n’est d’ailleurs pas le mot « Fin » mais « A suivre » qui s’affiche à l’écran, avant que le jeu ne nous renvoie dans ce monde qu’il nous offre généreusement. Pour y passer encore bien des heures délicieuses.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°771, 8 septembre 2010)
Dragon Quest IX : Les Sentinelles du firmament (Square Enix), sur DS
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