En France au moins, Ally McBeal a largement contribué à la prise en considération – en bien ou en mal – des séries américaines. Porte-étendard malgré elle, celle-ci en est pourtant tout sauf représentative, découlant au contraire d’une approche unique. Conçue par David E. Kelley en même temps que la plus sèche The Practice, elle est le fruit d’une greffe improbable : celle de personnages fragiles et élastiques tels qu’en regorgent les sitcoms sur une structure de série « sérieuse » (épisodes de 45 minutes, intrigues judiciaires lourdes de conséquences, attention portée sur une communauté au travail).
Peuplée de névrosés exubérants, empruntant au burlesque et au cartoon pour rendre littéral ce qui, ailleurs, relève du non dit et/ou de l’inconscient, Ally McBeal fait du devenir-adulte sa grande question. Qui rejoint naturellement celle du couple, cette fiction inaccessible. Car derrière le cabinet d’avocats résiste la cour d’école, faisant d’Ally McBeal la série des élans régressifs, des jeux improvisés, des serments au bord des larmes, de la confusion entre amour et amitié. A la fois une caricature de la société (et des séries dramatiques) et un îlot préservé de sa (de leur) brutalité, avec toujours en filigrane une angoisse mêlée d’espoir : que cela ne puisse pas durer.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°581, juillet-août 2003)
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