Est-ce de la candeur, du cynisme ou une curieuse combinaison des deux ? Une chose est sûre : les auteurs de Resident Evil 6 ne font pas mystère de ce qu’ils avaient en tête au moment de concevoir ce nouveau volet de la prestigieuse saga d’épouvante nippone : la nécessité de « plaire au grand-public » selon les propos, sur le site web 1UP, du producteur Yoshiaki Hirabayashi, qui laisse entendre que l’horreur, la vraie, ne serait plus « vendable ». En découle un titre qui, non content d’accentuer le virage vers l’action musclée entamé avec l’excellent épisode 4, s’épuise à imiter des jeux que, paradoxalement, ledit Resident Evil 4 avait lui-même influencé, tel Uncharted dont est reprise – maladroitement – la manière de brouiller les limites entre séquences de jeu et phases non interactives. Mais le vrai modèle, c’est le best-seller Call of Duty, à qui Resident Evil 6 emprunte jusqu’à son tropisme militariste – ce qui, pour une série née sous l’influence des films de George Romero (La Nuit des morts vivants, The Crazies) tient du contre-sens historique.
C’est surtout le cas de l’un des trois scénarios (celui du personnage de Chris Redfield) disponibles au lancement du jeu et offrant des points de vue différents sur l’histoire qui, sur fond de bio-terrorisme, nous balade entre l’Europe de l’Est, la Chine et les Etats-Unis. Car, même si la règle est celle du jeu en duo (avec un partenaire humain ou contrôlé par la machine) qui émousse l’angoisse fondatrice des Resident Evil (je ne suis plus seul dans le noir), certains moments évoquent sans s’en cacher les épisodes passés. Ainsi, au début de l’aventure version Leon Kennedy, on croira revivre, dans une ville en feu infestée de morts-vivants, la chute de Raccoon City qui était au centre des Resident Evil 2 et 3. Comme s’il fallait quand même en faire un minimum pour ne pas trop contrarier les vieux fans.
Resident Evil 6 est un jeu qui ne s’économise pas et semble d’ailleurs obsédé par l’idée de ne laisser personne derrière lui. D’où une « Campagne » largement paramétrable (solo, coopération, solo avec incursions d’autres joueurs zombifiés…) et d’une longueur inhabituelle. D’où, aussi, une abondance d’effets spectaculaires (immeubles en feu, hélicos qui s’écrasant…) combinés sans réelle logique à des visites de lieux ostensiblement gothiques. Pas de doute : si quelques lourdeurs de level design ne le rebutent pas, le consommateur en aura pour son argent. Mais c’est presque pire que si Capcom avait simplement cloné Call of Duty. Au moins, ç’aurait été le signe d’un vrai parti pris.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°882, 24 octobre 2012)
Resident Evil 6 (Capcom), sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One et PC