Resident Evil 5

RE5
Resident Evil 5 est un jeu extrêmement spectaculaire, le dernier volet en date d’une série majeure et un succès commercial déjà avéré. C’est aussi, et en partie pour ces raisons mêmes, un jeu-symptôme. Historiquement, Resident Evil est une affaire d’ambiance, un travail sur les peurs du joueur. Resident Evil 4 avait opéré une petite révolution en accentuant la dimension « action » sans renier ces principes fondamentaux. Premier épisode conçu sans Shinji Mikami, le père de la saga, ce numéro 5 va encore plus loin dans cette direction. Le héros y est un guerrier qui s’est laissé pousser les muscles et qui opère avec une collègue dans des espaces plus ouverts. Le tout s’inspire visiblement de jeux de tirs made in USA comme Gears of War, mais sans que la prise en main du personnage n’en soit modifiée. Comme toujours dans Resident Evil, ses déplacements sont donc raides et il ne sait pas tirer (ou recharger son arme) en se déplaçant. Conséquence : un sentiment gênant que les moyens à notre disposition ne sont pas adaptés aux défis proposés et que c’est d’abord contre le jeu lui-même (plutôt que contre les créatures qui le peuplent) qu’il faudra lutter.

Là où RE 4 semblait le fruit d’une belle réflexion sur le genre horrifique, le rythme des événements et la place du joueur, ce cinquième volet souffre d’un profond déséquilibre, comme si les développeurs s’étaient contentés d’y plaquer des éléments à la mode sans s’interroger sur leur pertinence dans ce contexte. Pour une série de cette importance, c’est assurément un peu court. D’autant que ce manque de recul ne se limite pas aux aspects purement ludiques.

En 2007, les premières bande-annonces de RE 5 avaient fait scandale. Il faut dire qu’il se déroule dans une Afrique dont les habitants, contaminés par un virus, attaquent notre héros occidental avec une extrême sauvagerie. Pour couper court aux accusations de racisme, les concepteurs du jeu ont ajouté quelques Blancs parmi les méchants et une métisse à nos côté, tout en répétant que tout ça n’est que du divertissement, qu’il ne faut pas chercher plus loin. Sans comprendre que tel est justement le problème et que cette imagerie douteuse crée un malaise précisément parce qu’elle nourrit un grand huit émotionnel présumé sans fond. Au cœur de la mythologie Resident Evil se trouve une multinationale pharmaceutique qui effectue, entre autres choses, des tests sur des populations civiles. Il y avait assurément là un sujet pour cet épisode 5. Pourquoi n’a-t-il pas été traité avec un minimum de sérieux ? Et pourquoi le jeu vidéo, qui aime tant se revendiquer « mature » (comprendre : sanglant), ne pourrait-il pas se montrer juste un peu plus consistant ? Les développeurs de Capcom ont montré récemment leur talent dans le registre du jeu de tir dynamique (Lost Planet) comme du casse-zombies politique (Dead Rising). L’échec de Resident Evil 5 sur ces deux plans n’en est que plus désolant.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°699, 21 avril 2009)

Resident Evil 5 (Capcom), sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One et PC

Erwan Higuinen

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