Depuis 20 ans, cela n’a pas changé : les possesseurs de consoles Nintendo savent bien que, même s’ils doivent à l’occasion se montrer patients, ils finiront par voir débouler un volet inédit de la mirifique saga Zelda spécialement pensé pour toute nouvelle machine de la marque. La DS ne fait pas exception à la règle, qui accueille désormais le plus que charmant Phantom Hourglass. Un épisode singulier, qui séduit d’abord par sa belle cohérence.
Aux premiers instants de jeu, on sentirait presque l’air de la mer. Car si Phantom Hourglass recycle avec entrain l’adorable style cartoon de l’épisode GameCube The Wind Waker, il en reprend aussi la thématique océanique et l’organisation des lieux visités en un réseau d’îles mystérieuses entre lesquelles on voyage en bateau. Tant pis pour les amateurs de chevauchées effrénées à dos d’Epona à travers la plaine d’Hyrule : ce sera pour le prochain Zelda. Suite directe de The Wind Waker – ce qui est rare dans la saga – Phantom Hourglass fait un peu figure d’épisode hors série, à la manière de Majora’s Mask après Ocarina of Time. Mais là où ce dernier frappait par une approche sombre et conceptuelle, Phantom Hourglass tiendrait plutôt de la radieuse récréation, ce dont témoignent aussi ses airs de Zelda concentré. Car il se révèle sensiblement plus court, et nettement moins fourni en quêtes secondaires, qu’à l’accoutumée. On aurait pourtant tort d’en blâmer ses auteurs, car là où tant de jeux s’étirent artificiellement pour accroître leur sacro-sainte « durée de vie », celui-ci enchante aussi par sa nature intense et bouclée.
Plutôt qu’une œuvre-monde où l’on se perd en s’abandonnant à la contemplation, Phantom Hourglass en est une où l’on se retrouve et même, privilège du jeu sur console portable, que l’on promène avec soi, que l’on surplombe, que l’on ouvre et referme avec la DS. De cela découle la singularité de ce nouveau Zelda. Ici, tout se fait au stylet : les déplacements du personnage, la navigation, le lancer du boomerang ou du grappin– piliers de la série qui trouvent une nouvelle jeunesse. Surtout, le jeu nous invite sans cesse à annoter ses cartes pour marquer un passage à emprunter plus tard, un code secret ou une route maritime, pour établir le plan d’une île inconnue… Soit, en somme, à nous approprier très concrètement et très naturellement son vibrant univers. La Légende de Zelda a engendré des jeux plus vastes, plus riches, plus ambitieux. Mais aucun ne s’était jusqu’ici offert à nous avec une si touchante générosité.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°624, 13 novembre 2007)
The Legend of Zelda : Phantom Hourglass (Nintendo), sur DS