Johnny Mnemonic

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Premier film de l’artiste américain Robert Longo, Johnny Mnemonic est le fruit d’un travail entamé en 1989 avec l’écrivain William Gibson, pape du roman cyberpunk, et achevé en 1995 après financement par une major, pour finalement se solder par un flop commercial tout ce qu’il y a de plus regrettable. D’abord parce que, depuis qu’Hollywood et ses scénaristes se sont entichés de l’Internet et du multimédia, Johnny Mnemonic est de très loin, avec le Strange Days de Kathryn Bigelow, ce que cette néo science-fiction a produit de plus estimable. Mais surtout parce qu’en parfait cinéaste-contrebandier (selon l’expression de Scorsese), Longo fait de ce film d’action une œuvre hautement politique, démarche qui rappelle celle d’un John Carpenter.

Le monde du début du XXIe siècle que peint Longo est dominé par quelques multinationales qui, alliées aux yakuzas japonais, dominent les réseaux de communication mais qui, pour plus de prudence, utilisent des convoyeurs humains dans le cerveau desquels les souvenirs d’enfance sont remplacés par des donnés informatiques. Johnny, joué par un Keanu Reeves aussi décoratif que convaincant, est l’un d’eux. Mercenaire aux allures de cadre sup, il basculera progressivement dans le camp des résistants qui vivent en marge de cette société, dont ils ne manquent pas de détourner les diverses productions médiatiques. Mine de rien, Robert Longo nous dit au passage deux ou trois choses sur le capitalisme et le meilleur des mondes high-tech qu’il pourrait bien nous préparer, fidèle en cela à la tradition critique du roman d’anticipation.

Entre hôtels luxueusement aseptisés (on tue dans les chambres, pas en public) et le repaire bricolé des rebelles évoluent les personnages interprétés, entre autres, par Takeshi Kitano, le Terminator sensible du rock bruyant Henry Rollins, le rappeur Ice-T et Barbara Sukowa en fantôme des réseaux. Tous contribuent modestement à la réussite de ce film méconnu qui mériterait de voir sa diffusion télé se transformer en session de rattrapage.

(Paru dans Libération du 14 juin 1997)

Johnny Mnemonic (1994) de Robert Longo

Erwan Higuinen

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