Never Been Kissed a deux façons de se rendre insupportable. La première est tout à son honneur, la seconde confine au désastre. L’idée de départ n’est pas mauvaise : une jeune journaliste aux inhibitions pathétiques (Drew Barrymore) est chargée de se déguiser en adolescente pour écrire un article sur ce qu’est vraiment la vie des lycéens. La tentative est simple : revenir en arrière pour revivre son passé en utilisant son expérience afin de ne pas répéter ses erreurs et, peut-être, de prendre cette fois le bon embranchement raté une décennie plus tôt. Mais son passé ado chargé (impopularité record, apparence déplorable, maladresse catastrophique) fait retour et les humiliations se répètent, le présent semblant imiter les visions du passé qui viennent par instant s’y superposer.
Flirtant avec le grotesque, le film joue alors sur le désir contrarié du spectateur qui ne veut pas voir ça et rit jaune, représenté ici par l’équipe avachie mais fascinée du journal qui, la jeune femme ayant été munie d’une mini-caméra, se presse devant un téléviseur pour ne pas en perdre une miette. L’adolescence est ici une période horrible et traumatisante dont il est impossible de se détacher et que l’on revit sans cesse – quelque chose comme une sitcom horrifique où l’on évoque Carrie en écoutant les Smiths. Sauf que ce n’est apparemment pas du tout ce que Never Been Kissed veut être. Rapidement, un scénario réconciliateur accompagné d’un discours platement moralisateur (en substance : exclure, c’est mal) prend le dessus, chaque séquence ayant alors pour unique fonction de préparer la suivante, pour aboutir finalement à une atterrante entente générale. Il faut vite combler les brèches, gommer les zones d’ombre et tout repeindre en rose bonbon en évacuant le véritable sujet du film. Et c’est là, ainsi neutralisé, que Never Been Kissed devient vraiment affreux.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°537, juillet-août 1999)
Never Been Kissed (1999) de Raja Gosnell
