L’Objet de mon affection est une sitcom (à peine) gonflée. Ce qui n’est certes pas une bonne nouvelle, mais pas non plus une marque d’infamie. La sitcom n’est jamais que ce qui, au cours des années 50, a pris le relais de la comédie américaine fatiguée en se focalisant sur sa part théâtrale, alors même celle-ci, par Jerry Lewis, Frank Tashlin ou Blake Edwards, trouvait sa modernité dans un retour au burlesque. La sitcom gonflée n’a d’ailleurs rien d’une nouveauté : si, en 1951, I Love Lucy, avec Lucille Ball et Desi Arnaz, est la première véritable sitcom télévisée, The Long, Long Trailer, réalisé en 1954 par Vincente Minnelli avec le même couple vedette, est déjà une sitcom sur grand écran.
Nicholas Hytner, tâcheron sans grande personnalité, n’est pas Minnelli, mais, au vu de L’Objet de mon affection, on lui sait gré d’essayer de se libérer de la forme-sitcom en tentant de relier ses saynètes anodines, d’instaurer une continuité pour dépasser la structure en épisodes de son scénario – tiré du très chouette roman de Stephen McCauley, ici largement simplifié et aseptisé. L’ennui, c’est que cette histoire d’un jeune homo (le joli mais un peu terne Paul Rudd) et de sa meilleure amie et colocataire (Jennifer Anniston, dans son registre de la série Friends, entre abandon à demi ironique et rage rentrée jusqu’à se transformer parfois en pur bloc de frustration) en devient un film sans aspérités. Ni très mordant ni très émouvant (malgré de timides velléités mélodramatiques), L’Objet de mon affection a pour lui d’être aisément habitable – on s’y installe sans mal, son confort est optimal. C’est alors au spectateur de s’y projeter et de finir ce film qui, sans lui, n’est vraiment pas grand chose.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°530, décembre 1998)
L’Objet de mon affection (The Object of my Affection, 1998) de Nicholas Hytner