Kitaro Kosaka possède deux grandes passions : l’animation et le cyclisme. Unies sous sa conduite, les deux disciplines ont donné naissance à deux très beaux moyens métrages, Nasu : Un été andalou (Nasu : Andarushia no Natsu, 2003) et Nasu : Suitcase no Wataridori (2007). A l’exception d’un film court (Clover, 1999), ce sont à ce jour les seules réalisations recensées de Kosaka. A 47 ans, l’homme est pourtant déjà presque un vétéran du monde de l’animation japonaise où il évolue depuis pas moins de 30 ans. La liste des réalisateurs avec lesquels il a collaboré, le plus souvent en tant qu’animateur clé, s’apparente d’ailleurs à un Who’s Who du genre. S’y côtoient Mamoru Oshii (L’Œuf de l’ange), Katsuhiro Otomo (Akira), Rintarô (Metropolis), Isao Takahata (Le Tombeau des lucioles, Pomopoko) et, surtout, son véritable maître : Hayao Miyazaki.
Sans l’auteur de Princesse Mononoké, qu’il admire depuis toujours et avec qui il continue de travailler en freelance, Kitaro Kosaka ne serait peut-être pas devenu cinéaste. C’est aussi Miyazaki, lui-même amateur de courses cyclistes, qui lui fit découvrir le manga Nasu (« Aubergine ») d’Iou Kuroda. Mais les deux hommes partagent plus qu’un goût pour les routes à perte de vue et les athlètes en cuissardes : comme son aîné, Kosaka fait preuve d’un talent très sûr pour évoquer chez le spectateur des sensations, des goûts, des odeurs en donnant du relief aux lieux, objets et personnages. Dans le premier Nasu, l’Andalousie est d’ailleurs un « personnage » presque aussi important que Pepe, le cycliste qu’une étape du Tour d’Espagne ramène dans sa ville natale. Mais Kosaka excelle aussi dans l’agencement de points de vue différents sur l’action (interne à la course, focalisé sur elle ou périphérique) et dans ce qui constitue quand même la base de l’animation : la retranscription du mouvement, qui illumine ses courses admirablement mises en scène où se cristallisent le temps et les sentiments.
(Paru dans Manga Impact, Editions Phaidon, 2010)