Six jours, sept nuits marque peut-être le retour du cinéma américain moyen, pas renversant mais estimable, majoritaire sans être méprisant, un honnête cinéma de genre et d’acteurs qui n’a aucune raison de soulever l’enthousiasme mais en qui il ne faudra jamais voir un ennemi. Entre aventure et comédie sentimentale, entre A la poursuite du diamant vert et New York-Miami, le schéma du film d’Ivan Reitman est classique : sur une île déserte où leur avion s’est écrasé, une jeune femme chic et un vieux baroudeur vont se découvrir dans le feu de l’action, se heurter l’un à l’autre, s’affronter un moment, pour finalement se tomber les bras au dernier plan. Toujours la même histoire, mais Reitman, simple et efficace, moins pesant qu’à l’habitude (Ghostbusters, Jumeaux, Junior), la raconte sans tricher ni faire le malin, sans trop en rajouter – même si le soudain débarquement de pirates sur l’île et une façon de filmer les femmes comme dans un concours de T-shirts mouillés permanent ne sont pas du meilleur goût.
Ce qui donne vie à Six jours, sept nuits, c’est l’idée qu’au fond, mettre face à face un homme et une femme et les observer pendant une heure et demie suffit à faire un film, qu’il va obligatoirement se passer quelque chose et que cela vaudra forcément la peine. D’où la nécessité d’un casting réussi, ce qui est ici largement le cas, avec un Harrison Ford vieilli qui renouvelle intelligemment son personnage de héros viril (pour son côté usé, on pense parfois à la dernière période d’Errol Flynn) et surtout la merveilleuse Anne Heche, véritable révélation du film, visage malicieux et allure fragile mais nerveuse, une Claudette Colbert blonde pour réveiller la comédie américaine. C’est d’abord elle qui donne son charme à ce film mineur dont la principale qualité est de lui donner le temps d’exister.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°528, octobre 1998)
6 jours, 7 nuits (6 Days, 7 Nights, 1998) d’Ivan Reitman