De George Stevens, on connaît surtout les films des années 50, longtemps portés aux nues par la critique américaine et pourtant ratés au regard de leurs ambitions démesurées, Stevens y gâchant par ses effets de manche (mouvements de caméra poseurs, surimpressions, jeu outré) les bonnes inspirations dont témoignent le sobre début d’Une place au soleil (1951), l’évolution du personnage de James Dean dans Géant (1956) ou la construction de Shane (1953), western christique dont Eastwood fera un quasi-remake avec Pale Rider. A ces œuvres inégales et prétentieuses tournées après la guerre (pendant laquelle Stevens filma en couleurs l’ouverture du camp de Dachau), avouons préférer le début de sa carrière et ces « petites » comédies que sont Mariage incognito (1938) ou La Femme de l’année (1942), première rencontre du duo Katharine Hepburn – Spencer Tracy. Dans Sur les ailes de la danse (1936), c’est un autre couple que dirige Stevens : Fred Astaire et Ginger Rogers. Réussite mineure parfaitement dans la ligne des précédentes apparitions du duo, le film exécute les inévitables variations autour du couple à base de disputes, non-dits et malentendus.
Mais il vaut surtout pour ses numéros musicaux, dont ce Never Gonna Dance qui alterne d’abord plongées et contre-plongées (elle est sur un escalier, lui en bas) pour déboucher sur une danse du couple enfin réuni dans le même plan, avant qu’elle ne s’enfuie et sorte du champ. Mais aussi la chanson A Fine Romance qui revient trois fois, chantée par elle, puis par lui sur un ton ironique pour exprimer leur échec (au cours d’une jolie scène sous la neige) et finalement en duo avec de nouvelles paroles et, cette fois, au premier degré.
Si les chorégraphies doivent beaucoup à Astaire, cela ne diminue en rien les mérites de Stevens, artisan modèle qui s’appuie sur le «génie du genre» et en assemble les morceaux avec une modestie qu’il perdra malheureusement quelques années plus tard.
(Paru dans Libération du 27 septembre 1997)
Sur les ailes de la danse (Swing Time, 1936) de George Stevens