Dishonored

Dishonored

Stupeur dans le monde des blockbusters : le premier vrai phénomène vidéoludique de cette fin d’année n’est ni une suite, ni un remake, ni même un reboot, mais un jeu original, unique, surgi de nulle part. Ou presque, car le studio lyonnais Arkane s’était déjà distingué en 2002 avec Arx Fatalis avant de tâter du Might & Magic et de prêter main forte aux développeurs de BioShock 2. Mais deux noms se font surtout remarquer au générique de cet étonnant Dishonored. Le premier est celui de Viktor Antonov, génial artiste d’origine bulgare qui avait déjà conçu la Cité 17 de Half-Life 2 et qui, ici, donne naissance à la tout aussi frappante ville de Dunwall en s’inspirant, entre autres, de Londres à l’époque victorienne. Le second nom est celui d’Harvey Smith, game designer américain ayant notamment œuvré sur System Shock et Deus Ex qui trouvent ici un bel héritier.

Comme ses glorieux précurseurs, Dishonored refuse de se soumettre aux règles des genres établis (action, jeu de rôle, tir, infiltration…) et donne le pouvoir au joueur : à lui de décider de quelle manière il vivra l’aventure de Corvo, son alter ego accusé d’avoir assassiné l’impératrice locale (dont il était le garde du corps) et devenu l’homme de main de la résistance après la prise du pouvoir par un régent félon. Le jeu est constitué d’une série de missions dont le déroulement n’est jamais écrit d’avance. Alors qu’il nous est demandé de pénétrer dans un bâtiment, opterons-nous pour la partie de cache-cache fébrile ou pour l’offensive frontale ? Peut-être choisirons-nous de fureter dans le quartier pour voir si, en échange d’un modeste service, quelqu’un ne pourrait pas nous faciliter les choses.

Peu à peu (et selon nos préférences), notre personnage gagne des pouvoirs surnaturels (se téléporter sur une distance plus ou moins longue, ralentir le temps, prendre possession du corps d’un animal ou d’un être humain…) qui finissent par constituer une stimulante boîte à outils pour gamer expérimentateur. Mais, loin d’être un jeu purement cérébral, Dishonored marie avec une belle finesse l’abstraction (je cherche à résoudre un problème théorique) et l’identification (je me projette dans cet univers virtuel) et provoque du même coup des émotions rares. Comme, par exemple, ce mélange de colère sourde, de dépit et de sentiment de culpabilité éprouvé lorsque, notre approche discrète ayant échoué à tromper la vigilance des gardes, on se résigne à la violence. Parce que, même si c’est Corvo, même si c’est pour de faux, ce qui se passe est bien de notre responsabilité.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°883, 31 octobre 2012)

Dishonored (Arkane / Bethesda), sur PS3, Xbox 360 et PC

Erwan Higuinen

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