Premiers des cinq films tournés par Mark Sandrich avec Fred Astaire et Ginger Rogers, La Joyeuse divorcée (1934) est surtout, dans la foulée de Carioca de Thornton Freeland où ils ne tiennent que des rôles secondaires, la première comédie musicale réellement conçue autour du couple. Sept autres suivront jusqu’en 1939, époque où Ginger Rogers prend ses distances avec le genre, avant leurs retrouvailles en 1949 pour Entrons dans la danse de Charles Walters.
La Joyeuse divorcée raconte l’histoire de Guy (Astaire), qui tombe fou amoureux d’une jeune femme (Rogers) rencontrée à Paris (où il déchire accidentellement sa robe), retrouvée à Londres (en emboutissant sa voiture) puis dans un hôtel où elle cherche, par un faux adultère, à pousser son mari au divorce.
Le film frappe d’abord par son homogénéité: les séquences de comédie n’y sont pas poussives comme dans nombre de musicals de l’époque (y compris parmi les plus réussis) mais tiennent parfaitement la route par un humour délicatement teinté d’absurde. Les numéros musicaux se présentent alors comme un prolongement de la comédie – en phase avec l’économie de gestes de Fred Astaire – et non comme un univers à part : ici, il n’y a pas de scène, les danseurs s’approprient un espace qui ne leur est au départ pas forcément dévolu.
C’est au cours de ces numéros que se joue la romance. En guise de déclaration d’amour, Fred Astaire entonne Night and Day, chanson de Cole Porter; elle le repousse, il chante, ils dansent séparément, puis ensemble. Ainsi se crée une harmonie intime, dans un lieu isolé. A cette scène fait écho le long ballet The Continental (plus d’un quart d’heure) qui vaut reconnaissance du couple par la « société », donc mariage symbolique : autour d’eux dansent de nombreux autres couples emportés dans un même mouvement, formant des figures quasi géométriques qui évoquent, en moins « abstrait », les chorégraphies de Busby Berkeley. De cet enchantement du monde peut alors découler un happy-end de comédie.
(Paru dans Libération du 6 septembre 1997)
La Joyeuse Divorcée (The Gay Divorcee, 1934) de Mark Sandrich