Hauté Société

Haute Société

Ancien danseur, Charles Walters rejoint la MGM au début des années 40, d’abord comme chorégraphe puis comme metteur en scène de comédies musicales sous la férule du producteur Arthur Freed. Pas vraiment un inventeur – ­ il laisse cela à Minnelli, Donen, Gene Kelly ou Busby Berkeley ­–, Walters serait plutôt le premier des suiveurs, supérieur à Norman Taurog ou George Sidney, qui s’inspire des grands pour livrer quelques bons films dans le style MGM et avec les vedettes maison. On lui doit le dernier Astaire-Rogers (Entrons dans la danse), le joli Parade de printemps (avec Astaire et Judy Garland), deux chouettes pièces montées en carton-pâte avec Leslie Caron (Lili et La Pantoufle de verre) et surtout le formidable Summer Stock, où il fait danser Gene Kelly et Judy Garland dans une ferme au milieu des vaches et des cochons. A la fin des années 50, ça se gâtera et l’étoile de Charles Walters pâlira en même temps que celle du genre, même si l’on conserve une tendresse coupable pour des ringardises charmantes comme Une fille très avertie et Ne mangez pas les marguerites.

Dans l’œuvre attachante de Walters, Haute Société (1956) est un film charnière. Il pâtit d’abord de la comparaison avec The Philadelphia Story de Cukor, dont il est un remake musical. On ne peut voir Bing Crosby, Grace Kelly et Frank Sinatra sans penser avec nostalgie à Cary Grant, Katharine Hepburn et James Stewart, même si les premiers s’en tirent plutôt bien (surtout Sinatra). Le film souffre aussi de n’être un musical qu’à la marge, plus chanté que dansé, un peu mou et laborieux, même si l’apparition de Louis Armstrong est une bonne surprise. Mais le défaut principal, l’absence de cette folie qui, chez Cukor, naissait de l’alcool et du désir, est révélateur du changement d’époque faisant surgir une sorte de mélancolie pessimiste. Le luxe n’apporte plus le bonheur, l’artifice devient flagrant, les couples se forment faute de mieux. Le deuxième amour ne vaudra jamais le premier.

(Paru dans Libération du 17 juillet 1998)

Haute Société (High Society, 1956) de Charles Walters

Erwan Higuinen

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