Mon épouse favorite

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Si un accident de la route n’en avait pas décidé autrement, Mon épouse favorite serait un film de Leo McCarey. Co-auteur du scénario de cette comédie joliment tortueuse où Cary Grant et Irene Dunne se retrouvent trois ans après Cette sacrée vérité, McCarey fut forcé de n’en être par ailleurs « que » producteur, et choisit d’en confier la réalisation au jeune (28 ans) Garson Kanin, qui écrira par la suite six films pour George Cukor. Ledit Kanin n’apprécia pas, dit-on, la manière directive dont McCarey, finalement pas si diminué que ça, concevait le rôle de producteur.

Mais plutôt que de se perdre en conjectures sur les mérites respectifs de l’un et de l’autre dans la réussite atypique de ce chaleureux représentant de la comédie du remariage, mieux vaut souligner ce que l’histoire à l’origine du film a en commun avec celle qu’il raconte. Car il est ici question du retour impromptu d’une épouse disparue (en mer, pendant sept ans) le jour même du remariage de son époux. On se retrouve alors avec deux femmes pour un homme, comme il y a deux metteurs en scène pour un film. De cette rivalité jamais frontale découle largement le ton étonnant de Mon épouse favorite : au lieu d’opter pour une cadence endiablée, la comédie avance sur un faux rythme, des saynètes brillamment burlesques venant se greffer sur une langueur théâtrale. L’hybridation est imparfaite, et c’est justement de ce déséquilibre, de ces passages par le chaos que le film tire son élégance rebondissante.

Lorsque le personnage de Cary Grant observe, jaloux, les plongeons de son rival en maillot de bain joué par Randolph Scott, l’amateur de potins hollywoodiens se souvient qu’à la ville, les deux hommes furent amants. Cela n’a rien à voir avec le film ? Erreur : comme toutes les comédies-miroirs, Mon épouse favorite s’enrichit de tout ce qui lui a donné naissance, et aussi, naturellement, de tout ce que le spectateur choisira d’y voir.

(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°582, septembre 2003)

Mon épouse favorite (My Favorite Wife, 1940) de Garson Kanin

Erwan Higuinen

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