Takumi Fujiwara est un héros paradoxal. Pilote automobile surdoué, il ne ressent pourtant aucune envie de participer aux courses semi-clandestines qui passionnent ses amis. Sa maîtrise du dérapage sur routes de haute montagne reste d’ailleurs longtemps ignorée. Depuis l’adolescence, et donc bien avant d’avoir atteint l’âge pour s’installer en toute légalité derrière un volant, le jeune homme s’est appliqué à perfectionner ses techniques en livrant le tofu vendu par son père, lui même ex-star de la vitesse. Mais, pour Takumi, tout ça n’est qu’un travail comme un autre.
Ainsi se met en place une ligne narrative inhabituelle. Dans les récits sportifs classiques, un personnage s’efforce d’acquérir les compétences qui lui permettront de satisfaire son désir de victoires. Takumi, lui, possède d’emblée tout le talent nécessaire, au point que son succès relève presque de l’évidence. Ce que le manga de Shuichi Shigeno et la série qui en est tirée s’attachent alors à raconter, c’est la manière dont, peu à peu, le lycéen prend goût à la compétition automobile. Pour, non content de savoir conduire en virtuose, apprendre finalement à aimer ça.
Célébration exubérante de la culture japonaise des courses de rues, Initial D se double ainsi d’un parcours initiatique un rien fleur bleue qui fait battre le cœur de la fiction au-delà des seuls affrontements entre bolides. Dans la série à l’animation par ailleurs traditionnelle, ces derniers prennent la forme de séquences réalisées par ordinateur qui appellent inévitablement la comparaison avec le jeu vidéo – depuis 2001, Initial D est également une saga très populaire dans les salles d’arcade. Mais ce basculement de l’image 2D à la 3D pourrait bien révéler aussi l’ambition qui porte la série : flirter justement, via les courses de voitures, avec une autre dimension. Celle du fantasme, lieu d’une existence à la simplicité absolue, enfin libérée de toutes contraintes morales et physiques.
(Paru dans Manga Impact, Editions Phaidon, 2010)