Psychonauts

Psychonauts

Psychonauts permet de renouer avec deux genres plus ou moins tombés en désuétudes en ces temps de prolifération des jeux de course ou de sport et des FPS triomphants. Plongeant le joueur dans un univers cartoon où il doit progresser en ramassant tout un tas de machins qui lui procureront de nouveaux pouvoirs lui permettant d’avancer toujours plus loin, Psychonauts reprend les choses là où les avait laissées Rare il y a quelques années, à l’époque où le studio britannique régalait les possesseurs de Nintendo 64 de ses jeux de plateformes humoristiques (Banjo Kazooie, Donkey Kong 64…). Mais le récit qui le structure doit aussi beaucoup au passé de son auteur, l’Américain Tim Schafer. Ancien de LucasArts, Schafer fut l’une des figures majeures du jeu d’aventure nineties, œuvrant, à des postes d’importance croissante, sur des œuvres aussi essentielles que Monkey Island, Day of the Tentacle ou Full Throttle. Dont il a su conserver l’inventivité narrative à l’heure de donner naissance au premier jeu issu de son nouveau studio, Double Fine Productions.

Le premier plaisir vient de la découverte de l’univers où prend place Psychonauts, quelque part entre Tim Burton et les productions Pixar. Dans une colo pour enfants dotés de pouvoirs psychiques (les apprentis psychonautes, donc) se trament des choses pas très nettes, que découvrira peu à peu notre alter ego, répondant au nom de Raz, au fil de ses pérégrinations à travers le pittoresque camp de vacances. Dans cette histoire menée avec une assurance qui tranche avec l’ordinaire vidéoludique, il sera notamment question de vols de cerveau, d’un monstre marin à la voix caverneuse prénommé Linda, d’un laitier psychopathe, d’un infirmier se prenant pour Napoléon…

La grande idée du jeu vient de la possibilité offerte à son héros de pénétrer dans le cerveau des autres personnages (et à nous, dans une quasi métaphore du jeu comme exploration des mondes sortis de l’esprit de ses créateurs) pour y mettre de l’ordre en affrontant leurs phobies et traumatismes divers et en récupérant leurs bagages émotionnels (sous forme de valises et de sacs qui pleurent la perte de leurs étiquettes…). En découle une suite de niveaux d’une variété inouïe, où des éléments que l’on pouvait prendre pour de simples clins d’œil scénaristiques se déploient en autant de dispositifs ludiques d’une richesse rarement égalée. Parfait exemple d’hybridation réussie, Psychonauts dépasse largement le recyclage de mécaniques ludiques datées. En reprenant à son compte, pour les développer brillamment, des idées trop vite abandonnées par la plupart des développeurs, c’est même un air plus que rafraîchissant qu’il fait souffler sur le jeu vidéo.

(Paru dans Les Inrockuptibles n°542, 18 avril 2006)

Psychonauts (Double Fine), sur PS2, Xbox, PC et Mac

Erwan Higuinen

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