Avec L’Amour de vie, son premier long métrage, Scott Winant réussit joliment le délicat passage du petit au grand écran. De la série Angela, 15 ans dont il fut l’un des maîtres d’œuvre, il a gardé quelques effets de style (la voix off pour les souvenirs d’enfance, la petite musique d’accompagnement, les travellings latéraux en trompe-l’œil pour passer, en traversant un mur, d’une scène à une autre) et, surtout, cette attention douce mais sans complaisance portée aux personnages. L’intrigue de ce film entre comédie et mélo est classique : un homme et une femme vivent leur vie, ont des liaisons, quelques déboires et finissent par se rencontrer après s’être souvent croisés.
Certains crieront à la mièvrerie. Ce serait oublier que le film est tout sauf béat, ne présentant notamment pas le mariage, qui est bien le but recherché, comme une panacée (le père de la jeune femme lui avoue, après des décennies de mariage, n’avoir jamais aimé sa mère; le mari de la bonne copine au bonheur envié s’isole longuement dans sa voiture pour décompresser). Mais surtout que Winant filme sans peur (du ridicule, d’en faire trop ou pas assez) et, partant, sans la moindre trace de cynisme : il croit en son histoire, en ses personnages et en ce que peut le cinéma et livre un film sentimental dans le meilleur sens du terme, c’est-à-dire sensible avant tout, sans fausse honte ni impudeur, aux sentiments très ordinaires des personnages (le couple en devenir et tous les autres, qu’une scène suffit à faire exister). Et si l’on note bien ici ou là quelques «dérapages», ce n’est qu’un effet marginal de sa mise en scène généreuse, la contrepartie de réels moments de grâce. S’il fallait trouver un équivalent musical à L’Amour de ma vie, ce ne serait pas un grand air majestueux, juste une petite chanson pop, légère et mélancolique, faussement anodine et bien vite entêtante.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°520, janvier 1998)
L’Amour de ma vie (’Til There Was You, 1997) de Scott Winant