L’histoire commence en 1987. Le succès du premier Super Mario Bros n’a pas échappé au jeune programmeur allemand Armin Gessert qui, aidé du graphiste Manfred Trenz et du musicien Chris Hülsbeck, se lance dans le développement d’un jeu lui ressemblant énormément. Le plan paraît sans faille : à l’époque, le clonage de tubes vidéoludiques, de Pac-Man à Space Invaders, est globalement toléré et les possesseurs des machines auxquelles le trio destine son Great Giana Sisters, Commodore 64, Atari ST ou Amiga, seront ravis de mettre la main à la poche pour acquérir leur (quasi) Mario. Mais Nintendo ne l’entend pas de cette oreille et, sous la menace d’une action en justice, l’éditeur Rainbow Arts retire de la vente sa production délictueuse, laquelle acquiert instantanément le statut de jeu culte dont les copies pirates ne tardent pas à circuler.
2009 : à la surprise générale, les sœurs font leur retour et, ironiquement, sur une console Nintendo avec The Great Giana Sisters DS qui sera l’ultime jeu d’Armin Gessert, disparu la même année. Mais la saga Giana ne s’arrête pas là et les autres concepteurs de cette version DS ne manquent pas d’idées. Un passage (fructueux) par le site de financement participatif Kickstarter plus tard, revoilà nos punkettes cartoon dans le somptueux Giana Sisters : Twisted Dreams qui, après avoir investi le PC et la Xbox 360, débarque sur PS3 pour l’été. Et, cette fois, il n’est vraiment pas question de plagiat.
Dans le registre du jeu de plateforme 2D – même si ses décors et personnages féeriques ont été minutieusement modélisés en 3D –, Twisted Dreams se révèle même particulièrement inventif. Sa grande idée consiste à faire coexister deux versions de son monde (et de sa piquante héroïne, dont les pouvoirs évoluent) entre lesquelles le joueur peut basculer à volonté. Soudain, un pont apparaît alors au-dessus du vide, des plateformes mobiles changent de sens, un diablotin se transforme en gros poussin, des trésors – dont la découverte est notre premier objectif – surgissent ou s’évanouissent. Mais le timing se révèle serré et c’est souvent en plein saut qu’il faudra zapper. Twisted Dreams est d’ailleurs un jeu ardu mais, aussi, particulièrement gratifiant. Sévère mais juste, en fait, et qui incite joyeusement à explorer ses merveilleux niveaux riches en secrets. En chemin, on ne pense pas qu’à Mario mais aussi à Sonic, à Donkey Kong Country ou à l’école occidentale du jeu d’action-aventure dont Twisted Dreams transcende les influences. Les sœurs Giana ont fini par se trouver une forte personnalité.
(Paru dans Les Inrockuptibles n°919, 10 juillet 2013)
Giana Sisters : Twisted Dreams (Black Forest Games), sur PC, PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One et Wii U