Flash-back : nous sommes au lycée, quelqu’une aime quelqu’un, il faut le lui dire. Kerou se dévoue, va trouver Shihao et lui faire part des sentiments de Yuezhen. Mais c’est de la messagère que tombe amoureux le garçon. Une histoire joliment banale, un film fait de filatures à vélo même pas discrètes, de poursuites assidues entre deux cours et d’hésitations à l’heure du face-à-face. Parce que là, ça se complique. « Je suis plus marrant que ça d’habitude », assure-t-il. « Tu veux m’embrasser ? » trébuche-t-elle en mettant les pieds dans le plat. Rien ne va alors de soi, et chacun est trop conscient de tout pour improviser avec insouciance.
C’est la difficulté de ce passage (à l’acte) qui nourrit ce film mélodique et sentimental, ce film de dessinateur (tracer des lignes à travers le lycée et la ville) et de coloriste (belle lumière, charmant empourprement des joues des filles). Ecouter le bruit du garçon qui nage, lui voler ses affaires pour jouir d’un carton de talismans, écrire son nom jusqu’à ce que le stylo n’ait plus d’encre (parce qu’alors, c’est sûr, l’amour sera réciproque). Tout cela est saisi avec une délicatesse amusée, qui s’éloigne un peu lorsque le film se veut sérieux (une fille découvre son homosexualité, ce n’est pas facile), mais souffle avec fraîcheur le reste du temps. Au cœur de ce joli film inabouti crisse une belle épure émue.
(Paru dans Les Cahiers du cinéma n°569, dossier Cannes, juin 2002)
Blue Gate Crossing (2002) de Yee Chih-yen